Une opération sursouscrite qui confirme l’attrait du risque ivoirien
L’annonce, par la Direction générale du Trésor ivoirien, d’une levée effective de 71,499 milliards de francs CFA le 24 juin 2025 a eu le mérite de rappeler que la dette souveraine d’Abidjan bénéficie encore d’un solide capital de confiance. Alors que l’objectif officiel était fixé à 65 milliards, les carnets d’ordres ont atteint 99,407 milliards, soit un taux de couverture de 152,93 %. En retenant un peu plus de 71 % des offres, les autorités ont choisi de préserver le niveau de taux plutôt que de maximiser le volume, enregistrant un rendement moyen pondéré inférieur à 7,2 % sur la courbe complète. Dans un environnement global marqué par la remontée des rendements américains et la discipline monétaire renforcée de la BCEAO, la performance n’est pas anecdotique.
Entre risques politiques et discipline budgétaire
Les investisseurs interrogés à Dakar et à Abidjan évoquent une prime de crédibilité adossée à la trajectoire macroéconomique ivoirienne. Le pays affiche depuis dix ans une croissance supérieure à 6 % en moyenne, malgré les épisodes sécuritaires à sa frontière septentrionale. « Le marché paie pour de la visibilité macro et un récit de réformes structurelles qui tient encore », confie un gestionnaire de fonds basé à Lomé. Dans son dernier rapport, Fitch Ratings a d’ailleurs maintenu la perspective stable sur la note souveraine, soulignant l’amélioration du ratio dette/PIB grâce à la vigueur des recettes fiscales. Ce positionnement contraste avec la défiance touchant d’autres émetteurs de l’Union, pénalisés par des transitions politiques non consensuelles.
Le prisme régional d’une dépendance assumée
Le succès répété des adjudications ivoiriennes – 45,88 % des volumes émis dans l’UMOA depuis janvier – traduit aussi une dépendance croissante des finances publiques au marché domestique. Au 23 juin, Abidjan a déjà modéré un encours remboursé de 1 921 milliards CFA et servi 119 milliards d’intérêts, assumant une stratégie de refinancement « roulant ». Pour l’économiste Souleymane Coulibaly, ce choix repose sur la conviction que la profondeur du marché régional « offre un coussin de liquidité moins volatile que les eurobonds, sans l’aléa de change ». Toutefois, la concentration des placements dans les bilans bancaires locaux fait peser un risque de contagion systémique en cas de choc exogène.
Un message voilé aux bailleurs multilateraux
Alors que se profilent les revues semestrielles du programme triennal conclu avec le FMI, la présente émission fournit à Abidjan des arguments sur sa capacité d’accès autonome aux capitaux. Le gouvernement assure qu’aucune sortie sur le marché international libellé en dollars n’est envisagée avant la fin de 2025, préférant « optimiser le mix de maturités locales ». Dans les coulisses, les équipes du ministère des Finances veulent convaincre Washington et Bruxelles que la soutenabilité de la dette reste sous contrôle, malgré une enveloppe d’investissements publics calibrée à 13 % du PIB. En substance, la sursouscription du 24 juin sert de preuve empirique que la signature ivoirienne conserve un appétit notable.
Perspectives d’un premium ivoirien appelé à se réduire
À plus long terme, la question centrale est celle du coût marginal d’une stratégie intensément domestique. Les BAT à 364 jours ont été adjugés à 6,98 %, soit près de 200 points de base au-dessus du taux directeur de la BCEAO. Si la banque centrale décidait un resserrement supplémentaire pour juguler l’inflation importée, la courbe pourrait se pentifier, renchérissant la charge de la dette. Les analystes de Nairobi observent néanmoins que l’appétit pour les OAT plus longues – 7,17 % à 7 ans – prouve l’existence d’un plancher dans la prime de risque ivoirienne, soutenue par des perspectives de production gazière et un rebond attendu des exportations cacaoyères. Le Trésor mise sur un resserrement progressif du spread à mesure que les autres États de l’Union rétablissent leurs équilibres politiques, redistribuant ainsi la liquidité régionale.