Brazzaville célèbre la voix d’un policier-poète engagé
Dans l’enceinte feutrée d’une librairie brazzavilloise, la présentation du recueil « Des mots, de l’amour et des larmes » a réuni, le 5 juin, un auditoire mêlant diplomates, universitaires et responsables culturels. En moins de deux heures, Césaire Baltazar Obambi, commandant de la police nationale et prédicateur, a troqué l’uniforme contre la parole poétique, offrant au public quarante-huit textes ciselés où l’intime rencontre le collectif. La scène, ponctuée d’ovations, témoignait de la vitalité culturelle que Brazzaville entend projeter sur l’échiquier international, conformément aux orientations gouvernementales visant à faire du livre un vecteur de rayonnement.
Un hymne à l’amour sous le regard des critiques littéraires
Pour le poéticien Rosin Loemba, appelé à livrer une lecture savante de l’ouvrage, « l’amour y est travaillé comme une mythologie personnelle, intime et féministe, mais jamais naïve ». La couverture, illustrée d’un arbre au feuillage en forme de cœur, dialogue avec un triptyque thématique : les mots, l’amour et les larmes. Chaque poème, parfois bref comme un souffle, parfois ample comme une supplique, se déploie autour d’alexandrins relâchés ou de vers libres qui rappellent les influences de Senghor et de Tchicaya U Tam’si. Loin de se cantonner au registre sentimental, Obambi explore le chagrin social, la beauté connaturelle de l’Afrique et l’espérance d’un lendemain qui chante pour la jeunesse congolaise.
La politique du livre, pilier discret de la diplomatie congolaise
Appoliange Josué Mavoungou, directeur général adjoint des éditions L’Harmattan Congo, a rappelé l’importance stratégique du secteur éditorial. « Revenir au livre, c’est consolider le socle intellectuel qui conditionne le leadership de demain », a-t-il martelé devant les représentants du ministère de la Culture. Depuis plusieurs années, Brazzaville multiplie les salons littéraires, accords de coédition et programmes de bourses, convaincue que le soft power passe aussi par la poésie et la prose. En accompagnant la publication d’un officier supérieur, l’État souligne que l’élan créatif transcende les statuts sociaux, tout en consolidant l’image d’un pays attaché à la pluralité des voix.
Du carnet de bord policier à la plume contestataire mesurée
Né à Oyo et entré en écriture au milieu des années 1990, Obambi assume une trajectoire singulière : celle d’un fonctionnaire en uniforme qui confie à la littérature la part la plus vulnérable de son existence. Ses vers relatent « le calvaire sentimental » d’un homme confronté à l’absurde, tout en célébrant la dignité humaine. Le tissu lexical, émaillé de références bibliques, rappelle que l’auteur est également prédicateur. Sa posture d’engagement n’embrasse pas la dénonciation frontale ; elle se traduit plutôt par l’injonction à l’empathie, conformément à l’éthique de service public prônée par les autorités congolaises.
Une résonance panafricaine porteuse d’espérance
À travers des métaphores filées sur la sève, la braise ou la savane, le recueil place l’expérience congolaise dans un sillage panafricain. L’auteur presse ses lecteurs à « embrasser la fragilité de l’autre », quand bien même l’histoire du continent serait traversée de fractures. Cette tonalité optimiste rejoint la diplomatie culturelle de Brazzaville, qui valorise le dialogue Sud-Sud et les échanges avec la diaspora. En filigrane, l’œuvre convoque la mémoire des indépendances, sans verser dans la nostalgie. Elle préfère suggérer un avenir où le mot juste, partagé, devient instrument de cohésion.
L’esthétique comme devoir de mémoire et de réconciliation
Le dernier poème, « Renaître en sangoma », résume la philosophie d’Obambi : guérir par la parole. En prônant une anthropologie de l’amour, l’auteur se fait l’écho d’un humanisme que les politiques publiques actuelles encouragent, notamment via les programmes d’éducation civique. Sa démarche rappelle que la diplomatie ne se limite pas aux chancelleries ; elle se niche aussi dans l’atelier du poète, où se fomentent les imaginaires susceptibles d’adoucir les crispations. Le livre, tiré à un millier d’exemplaires pour sa première édition, circule déjà dans les centres culturels et les représentations étrangères, preuve que les mots peuvent encore, à Brazzaville, bâtir des ponts autant que des souvenirs.