Déchets à Brazzaville : état des lieux
Au cours des dix derniers jours, les amas de sacs poubelles se sont multipliés sur l’avenue de la Paix et dans plusieurs artères de Mikalou, rappelant que Brazzaville, métropole de plus de deux millions d’habitants, reste vulnérable aux aléas de la collecte.
Des odeurs âcres flottent dès la mi-matinée, forçant riverains et commerçants à fermer portes et fenêtres pour limiter les nuisances. Les caniveaux obstrués par les déchets ménagers empêchent l’évacuation des eaux pluviales et inquiètent les services de santé publique.
Une grève qui bouscule la logistique
La situation trouve son origine immédiate dans le mouvement social observé au sein de la société de propreté Albayrak, prestataire principal de la ville. Les conducteurs de bennes réclament le paiement ponctuel de primes et l’amélioration des équipements jugés insuffisants pour couvrir toutes les tournées.
Conséquence directe, plusieurs circuits n’ont plus été servis et les points de regroupement débordent. Le directeur général de l’assainissement, Yvon Kaba, assure cependant que des discussions avancent avec les représentants du personnel pour relancer, « dans les meilleurs délais », un service minimum.
Ambitions de la Politique nationale d’assainissement
Parallèlement, le ministre de l’Assainissement urbain, du Développement local et de l’Entretien routier, Juste Désiré Mondélé, a présenté la Politique nationale d’assainissement 2026-2030. Le texte, fruit d’un large atelier de validation, inscrit la salubrité au rang des priorités stratégiques.
Le programme vise à réduire de 60 % les maladies liées à l’insalubrité, renforcer la protection de l’environnement face aux dérèglements climatiques et encourager l’économie circulaire. Des projets pilotes de valorisation des déchets, comme la fabrication de compost, devraient démarrer dès 2024.
« Nous avons une fenêtre unique pour moderniser durablement le service public de propreté », insiste un cadre du ministère. Selon lui, la nouvelle feuille de route s’appuie sur la formation de 3 000 jeunes et l’acquisition d’une flotte de camions à faible consommation.
Pressions budgétaires et solutions graduelles
Le coût actuel du contrat de délégation, estimé à 3,25 milliards F CFA par mois pour Brazzaville et Pointe-Noire, demeure conséquent. Dans un contexte de diversification économique post-pétrole, les pouvoirs publics privilégient désormais des décaissements échelonnés alignés sur les recettes effectives du Trésor.
Les 2 000 F CFA prélevés chaque mois sur les salaires des agents publics servent déjà de fonds de roulement. Le ministère des Finances assure que ces cotisations, consolidées dans un compte spécifique, couvriront les charges d’appoint le temps de conclure de nouveaux partenariats.
Renforcer l’action des mairies d’arrondissement
En attendant la reprise complète, plusieurs élus locaux plaident pour une mutualisation rapide des moyens. Avec un budget mensuel compris entre 10 et 20 millions F CFA, chaque mairie pourrait louer des camions et mobiliser de la main-d’œuvre communautaire pour dégager les bacs saturés.
Le directeur général de l’assainissement confirme avoir transmis une note technique en ce sens aux neuf mairies de Brazzaville. Le document détaille la fréquence des rotations, la dotation en carburant et le suivi GPS pour garantir la traçabilité de chaque tonne de déchets.
A Pointe-Noire, six conseils d’arrondissement expérimentent déjà une plateforme numérique de signalement citoyen. Les photos géolocalisées envoyées par smartphone déclenchent l’intervention de petites équipes mixtes, composées de jeunes en insertion et d’agents municipaux, souvent dans les deux heures suivant l’alerte.
Emplois verts et sensibilisation des riverains
En marge des opérations de collecte, les autorités veulent transformer la contrainte sanitaire en opportunité économique. Le Centre de formation en développement durable projette d’ouvrir, dès janvier, des ateliers de tri destinés à former des recycleurs capables de produire des pavés plastiques.
Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement, chaque tonne de matières valorisées génère jusqu’à trois emplois locaux. Brazzaville et Pointe-Noire pourraient ainsi créer un millier de postes d’ici 2025, tout en réduisant la pression sur les décharges contrôlées.
Des campagnes de porte-à-porte sont également planifiées. Elles rappelleront les consignes de pré-tri des déchets et informeront les ménages des horaires officiels de passage. Le service d’hygiène de la mairie de Moungali souligne que la propreté durable commence toujours par « un geste citoyen ».
Vers une gouvernance intégrée des déchets
Pour assurer la pérennité des efforts, le gouvernement envisage de créer une Agence congolaise de gestion des déchets dotée d’une autonomie financière. Cette structure coordonnerait les contrats privés, la fiscalité environnementale et les programmes de valorisation, avec un comité d’experts multi-sectoriels.
Un premier bilan de la phase pilote est attendu au deuxième trimestre 2024. Les conclusions serviront à ajuster le dispositif avant le déploiement national. En attendant, la vigilance des citoyens et la réactivité des services municipaux restent les meilleures armes contre les amas d’ordures.
De nouveaux indicateurs, tels que le taux de recyclage par arrondissement et le volume de gaz à effet de serre évités, seront publiés chaque semestre. Les données ouvertes permettront aux chercheurs universitaires et aux startups congolaises de proposer des innovations adaptées au contexte local.
Un observatoire citoyen, animé par des organisations de jeunesse, suivra la mise en œuvre sur le terrain.
