Un déplacement parlementaire sud-américain à forte valeur symbolique
La présence, début juillet, d’une délégation conduite par le président du Congrès péruvien Eduardo Salhuana Cavides dans l’extrême Sud-Ouest marocain n’est pas anodine. En choisissant Dakhla comme première étape substantielle d’une mission de huit jours au Royaume, les élus péruviens ont signifié que la relation bilatérale ne se cantonne plus aux capitales mais se nourrit des dynamiques territoriales. Le voyage intervient dans un contexte de regain d’intérêt latino-américain pour les potentialités africaines, et le Pérou entend, à travers cette initiative, étalonner ses politiques publiques face aux programmes de développement marocains.
La vitrine infrastructurale de Dakhla face au regard péruvien
Conçue comme un laboratoire de l’investissement atlantique, Dakhla-Oued Eddahab révèle aujourd’hui une accumulation d’actifs logistiques – zone portuaire en eaux profondes, nouvelles dessertes routières, fermes aquacoles pilotes – qui ont retenu l’attention des parlementaires. « Nous avons pu constater de visu l’ampleur des projets d’envergure, notamment ceux qui modernisent les réseaux routiers et maritimes, gages d’une prospérité inclusive », a déclaré Eduardo Salhuana Cavides à la presse locale. En se projetant sur le devenir commercial du futur port atlantique, les congressistes péruviens identifient déjà des corridors de coopération agro-alimentaire et halieutique susceptibles d’acheminer, à terme, des produits pacifiques vers l’Europe via la façade marocaine.
Stabilité institutionnelle marocaine et diplomatie de développement
La visite s’inscrit dans une lecture sud-américaine de la stabilité marocaine. L’équilibre institutionnel loué par la délégation – « fruit d’une gouvernance continue sous la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI », selon les propos du chef de mission – constitue, pour Lima, un paramètre déterminant lorsqu’il s’agit de diversifier ses alliances extra-hémisphériques. En confrontant leurs expériences législatives, les élus des deux rives de l’Atlantique visent l’adoption de bonnes pratiques relatives à la gestion foncière, aux partenariats public-privé et au contrôle parlementaire de la dépense publique.
Le soutien du Congrès péruvien à l’autonomie : portée juridique
Un mois avant le déplacement, le Congrès péruvien avait approuvé, à une majorité confortable, une motion invitant l’exécutif de Lima à reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara et son plan d’autonomie. Pour Eduardo Salhuana Cavides, « ce dispositif apparaît comme la solution réaliste, sérieuse et crédible à un différend artificiel de longue date ». Au-delà de la rhétorique, la motion s’inscrit dans une jurisprudence latino-américaine émergente qui privilégie, pour les différends territoriaux, des cadres autonomistes respectant l’intégrité étatique plutôt que des solutions séparatistes porteuses d’incertitude.
Vers une coopération Sud-Sud renforcée après 2023
La diplomatie parlementaire sert ici de sas à une coopération économique et culturelle plus dense. Les deux parties explorent déjà l’organisation d’un forum d’affaires dédié aux énergies renouvelables, où l’expérience péruvienne de production solaire en altitude rencontrerait l’expertise marocaine dans l’éolien offshore de Dakhla. Des universités des deux pays ont, par ailleurs, manifesté leur souhait de créer des chaires croisées en études africaines et andines, offrant ainsi une passerelle académique inédite entre l’Atlantique Sud et le Pacifique.
Perspectives à l’horizon de la Coupe du monde 2030
La désignation du Maroc comme co-organisateur du Mondial 2030 agit comme un accélérateur. Les infrastructures sportives et hôtelières en projet à Dakhla sont appelées à s’imbriquer dans un maillage national, ouvrant des marchés de fourniture pour des entreprises péruviennes spécialisées dans les structures modulaires ou la logistique événementielle. À moyen terme, l’objectif partagé est de convertir cet engouement footballistique en un partenariat de long terme, de l’agro-industrie au tourisme, consolidant une architecture Sud-Sud dont la récente visite parlementaire a fourni l’ébauche diplomatique.
Dakhla-Oued Eddahab, pivot émergent d’un axe Maroc-Pérou
En moins d’une décennie, la ville saharienne s’est imposée comme un centre d’attraction pour les chancelleries désireuses d’observer le modèle marocain de développement régional. L’étape péruvienne confirme la tendance : l’Atlantique se redessine à partir de coopérations transocéaniques qui contournent les schémas classiques Nord-Sud. Si la distance géographique reste vaste, la congruence des intérêts – stabilité politique, diversification des marchés, promotion d’un multilatéralisme pragmatique – réduit la fracture mentale entre Rabat, Dakhla et Lima. La page diplomatique ouverte au cours de cette mission offre ainsi un laboratoire grandeur nature aux nouvelles connexions interparlementaires que la mondialisation contemporaine rend possibles.