Une session stratégique à Malabo
Réunis les 7 et 8 octobre à Malabo, les membres du Collège de surveillance multilatérale ont passé au crible la santé économique de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale. Cette 42e session, présidée par Baltasar Engonga Edjo’o, a livré un tableau mêlant embellie et fragilités.
Croissance 2024 : la reprise confirmée
Le rapport 2024 montre une expansion régionale portée à 2,7 %, bien au-dessus des 1,8 % de l’an dernier. Le dynamisme du secteur non pétrolier, qui bondit de 3,2 %, explique l’essentiel de ce regain, attestant d’efforts de réactivation hors hydrocarbures.
Les experts notent que la demande interne, stimulée par les travaux publics et les télécoms, a soutenu l’activité. Les objectifs de diversification, régulièrement rappelés par les chefs d’État, commencent ainsi à produire des effets mesurables sur la trajectoire collective.
Le Collège salue également la progression du taux de couverture extérieure de la monnaie, passé à 74,9 %. Associée à 4,86 mois d’importations en réserves de change, cette amélioration renforce la crédibilité du franc CFA dans un contexte mondial encore incertain.
Inflation toujours supérieure à la norme
Si la pression sur les prix se modère à 4,1 %, le niveau reste au-dessus de la cible communautaire de 3 %. Seule la République centrafricaine et le Gabon se maintiennent dans une zone de confort, preuve que le combat contre la vie chère demeure inachevé.
Les responsables monétaires rappellent que la résilience observée reste conditionnée à une politique budgétaire rigoureuse. « La stabilité des prix constitue un socle non négociable de notre union », martèle Nicolas Beyeme Nguema, commissaire aux politiques économique, monétaire et financière, plaidant pour une surveillance accrue des dépenses publiques.
Des trajectoires nationales contrastées
Le Cameroun domine la sous-région avec une croissance de 3,5 %, porté par l’agro-industrie et les services numériques. Le Gabon suit de près à 3,2 %, bénéficiant d’un double élan pétrolier et non pétrolier qui compense les fluctuations des cours internationaux.
Au Tchad, la progression atteint 2,6 %. Les exportations de brut et la relance de projets agro-pastoraux soutiennent cette tendance, malgré un contexte sécuritaire exigeant une vigilance continue.
En République centrafricaine, l’amélioration sécuritaire se traduit par une hausse à 1,8 %. Pour 2024, le Collège note que seuls le Cameroun, la RCA et la Guinée équatoriale respectent deux critères de convergence, tandis que le Congo, le Gabon et le Tchad n’en remplissent qu’un.
Le Congo poursuit son redressement
Après un léger frémissement en 2023, l’économie congolaise accélère à 1,5 %. Le secteur bois, les travaux d’infrastructures urbaines à Brazzaville et Pointe-Noire ainsi que la montée en puissance des TPE expliquent cette progression, bien que l’environnement pétrolier reste volatil.
Les autorités congolaises multiplient les programmes de soutien aux chaînes de valeur locales pour maintenir l’élan. Les partenaires techniques insistent cependant sur la nécessité d’approfondir les réformes visant la compétitivité, afin de sécuriser durablement la trajectoire ascendante.
2025-2026 : expansion sous condition
Le scénario de référence table sur une consolidation à 2,7 % en 2025 et 3,4 % en 2026. Pour Baltasar Engonga Edjo’o, ces prévisions s’appuient sur la continuité des investissements publics, la reprise du commerce intra-communautaire et l’essor des services numériques.
Toutefois, l’environnement régional reste traversé par des risques : fluctuations des cours des matières premières, effets persistants de la crise climatique sur l’agriculture et tensions géopolitiques périphériques. « Nos ambitions exigent un pilotage prudent », insiste le président de la Commission.
Les économistes du Collège estiment qu’une remontée brusque de l’inflation ou une dégradation des termes de l’échange pourrait rogner un point de croissance en deux ans, d’où la mise en garde adressée aux ministères des Finances pour renforcer leurs marges de manœuvre.
Diversification et intégration, clés de la résilience
Le communiqué final recommande de sécuriser les chantiers de diversification, en particulier l’agro-industrie, le tourisme et les énergies renouvelables, afin d’atténuer la dépendance pétrolière. L’amélioration du climat des affaires, via la digitalisation des formalités et la protection des investissements, figure parmi les priorités.
Sur le volet intégration, le Collège encourage la mise en service complète du passeport biométrique Cémac et l’opérationnalisation des corridors routiers Douala-Bangui et Pointe-Noire-Brazzaville-Libreville pour fluidifier le commerce intra-zone.
Enfin, la Commission rappelle que chaque État conserve la responsabilité première d’exécuter les réformes. « La convergence n’est pas un concept abstrait, mais un engagement concret envers nos populations », conclut Baltasar Engonga Edjo’o, appelant à transformer l’embellie actuelle en croissance inclusive et durable.