Un indice global sous tension
Au cœur de la publication 2025 de Transparency International, l’Afrique subsaharienne demeure la zone la plus exposée aux fragilités institutionnelles, aux crises sécuritaires sporadiques et aux contraintes budgétaires qui nourrissent les pratiques de prédation. Selon François Valérian, président de l’ONG, « plus des deux tiers des États étudiés obtiennent une note inférieure à 50 sur 100, seuil en-dessous duquel la corruption affecte la vitalité démocratique et le développement ». Dans ce panorama souvent morose, le Congo-Brazzaville apparaît comme l’un des rares pays du continent à inverser durablement la courbe, passant du 165ᵉ rang en 2019 au 151ᵉ en 2025.
Si le score absolu du pays, 23 points, reste modeste au regard de la moyenne mondiale établie à 43, la dynamique est suffisamment notable pour susciter l’attention des partenaires techniques et financiers. Les diplomates en poste à Brazzaville y voient le signe d’une stabilisation normative susceptible de sécuriser les flux d’investissements, alors même que la concurrence régionale se recompose autour des États pétroliers de l’Atlantique central.
Le virage réglementaire de 2019
Le véritable tournant remonte au 7 février 2019, date d’adoption de la loi créant la Haute Autorité de lutte contre la corruption, pierre angulaire d’un dispositif complet articulé autour de la déclaration de patrimoine et d’une nouvelle typologie d’infractions financières. Cette impulsion, validée par le président Denis Sassou Nguesso et relayée par le Parlement, s’inscrit dans la continuité des conventions onusienne et africaine ratifiées en 2005, mais longtemps restées de portée théorique.
En intégrant des exigences de transparence active, la réglementation congolaise a aligné le pays sur les standards recommandés par l’OCDE et la Banque mondiale. Les diplomates accrédités à Brazza soulignent la cohérence de l’approche, qui combine répression dissuasive et pédagogie administrative, plutôt que de se limiter à un arsenal punitif souvent inopérant en contexte fragile.
Cinq ans d’action, premiers dividendes
Depuis son installation officielle en 2020, la HALC, dirigée par l’expert Emmanuel Ollita Ondongo, a systématisé la sensibilisation dans les douze départements, multipliant ateliers et audits inopinés. À la fin de 2024, près de 90 % des hauts fonctionnaires assujettis avaient déposé leur déclaration d’intérêts auprès de la Cour suprême, un taux inédit dans la sous-région selon les observateurs locaux.
Ces initiatives, additionnées aux premières enquêtes visant les régies financières et certains opérateurs parapublics, ont contribué à accroître la perception d’intégrité. Pour les analystes du Fonds monétaire international, la progression de quatre points du score CPI entre 2019 et 2024 représente « un signal de crédibilité » dans la conduite du programme de réformes macro-économiques négocié avec Brazzaville.
Lecture diplomatique du classement
L’amélioration congolaise intervient alors que la quasi-totalité des États voisins marque le pas. À Luanda, l’Angola enregistre certes un gain plus important en valeur absolue, mais les chancelleries notent que le Congo parvient à préserver la tendance haussière malgré une conjoncture pétrolière fluctuante et une pression sociale élevée. Cette constance nourrit un narratif de fiabilité que les autorités ne manquent pas de mettre en avant lors des forums économiques panafricains.
Sur le terrain, les partenaires bilatéraux observent également une réduction du nombre d’allégations non traitées. Un diplomate européen confie que « la réactivité de la HALC aux saisines officielles contribue à lever des doutes sur les appels d’offres dans les infrastructures ». De fait, l’indice Doing Business révisé par la Banque mondiale pourrait intégrer ces paramètres, améliorant l’image globale de la place congolaise.
Cap sur la consolidation institutionnelle
Les autorités congolaises conviennent toutefois que la bataille est loin d’être achevée. La mise en œuvre des sanctions pénales, jugée encore timorée par certains think tanks africains, sera décisive pour transformer l’élan actuel en capital de confiance pérenne. Dans un entretien accordé à la presse nationale, Emmanuel Ollita Ondongo rappelle que « l’État de droit repose sur la sanction effective, non sur la seule prévention » tout en soulignant la nécessité de préserver le climat d’investissement.
D’un point de vue géopolitique, la trajectoire congolaise illustre comment un État rentier peut diversifier ses sources de légitimité internationale en misant sur la gouvernance. Si les futures évaluations de Transparency International confirment la tendance, Brazzaville pourrait devenir un cas d’école pour les pays producteurs d’hydrocarbures engagés dans la rationalisation de leurs finances publiques. Cette perspective conforte la stratégie diplomatique nationale, orientée vers une attractivité accrue et un partenariat gagnant-gagnant avec les bailleurs multilatéraux.