Un amphithéâtre attentif à la question constitutionnelle
Salle comble, lumières tamisées. Sur le campus de l’Université Henri-Lopes, l’amphithéâtre de droit affichait complet pour la leçon inaugurale du Dr Sergelin Briguel Omboula, constitutionnaliste reconnu, venu décrypter la protection citoyenne de la Constitution congolaise, moteur central du vivre-ensemble démocratique.
Devant un auditoire majoritairement étudiant, le juriste a souligné que « connaître la Constitution, c’est déjà la protéger », plaçant d’emblée la pédagogie au cœur de son message et rappelant l’importance de la jeunesse dans la consolidation pacifique des institutions nationales.
Les trois axes d’une théorie pratique
L’intervention s’est articulée autour de trois concepts présentés comme un triptyque indissociable : la protection prévue, la protection limitée et la protection à revitaliser, chacun décrivant un degré d’implication populaire et de robustesse juridique face aux éventuels abus de pouvoir.
Dans la première catégorie, le Dr Omboula a rappelé la possibilité pour tout citoyen ou parlementaire de saisir la Cour constitutionnelle afin de contrôler directement ou indirectement la conformité des lois, y compris celles jugées liberticides, avec les principes fondamentaux de la République.
Contrôle de constitutionnalité et mobilisation populaire
Évoquant la protection limitée, le constitutionnaliste a dressé le constat de violations récurrentes, souvent nourries par une méconnaissance de la Loi fondamentale et par un patriotisme constitutionnel encore trop timide, laissant parfois prospérer des pratiques contraires à l’esprit des textes.
C’est pour rompre ce cercle que la troisième voie, dite revitalisée, place le citoyen au centre, le chargeant de mobilisations pacifiques, d’actions pédagogiques et d’un usage accru de l’exception d’inconstitutionnalité, procédure permettant à tout justiciable de questionner un texte durant son procès.
Sergelin Briguel Omboula insiste : « La saisine populaire n’est pas un acte de défiance, mais un acte de fidélité à la République ». Il souligne que l’article 50 de la Constitution invite chaque Congolais à se conformer au droit, protecteur invisible de la cohésion nationale.
Patriotisme constitutionnel et rôle de la jeunesse
Pour illustrer la dimension pédagogique, l’orateur a relaté plusieurs cas récents où des collectifs d’étudiants, en partenariat avec des organisations civiles, ont organisé des « cliniques juridiques » afin de vulgariser les droits fondamentaux dans les quartiers périphériques de Brazzaville et de Pointe-Noire.
Loin d’être de simples exercices académiques, ces initiatives ont permis d’accompagner des riverains confrontés à des litiges administratifs, prouvant que la connaissance de la Constitution peut produire un impact concret sur la vie quotidienne, notamment dans l’accès aux services publics essentiels.
Sur la question du contrôle, l’enseignant estime toutefois nécessaire de simplifier les procédures actuellement perçues comme techniques et coûteuses. Il suggère par exemple d’élargir le champ de compétence du juge constitutionnel pour accélérer l’examen des requêtes issues de la société civile.
Vers une réforme participative du contrôle des lois
Cette évolution s’inscrirait, selon lui, dans la dynamique de modernisation voulue par les autorités, qui visent déjà à rapprocher la justice du citoyen à travers la numérisation et la délocalisation de certaines audiences pour réduire les distances géographiques entre le justiciable et l’institution.
Dans l’auditorium, plusieurs étudiants de première année ont salué l’approche. « Nous pensions la Constitution réservée aux hauts magistrats ; nous découvrons qu’elle est aussi notre bouclier », confie Mireille, inscrite en science politique, convaincue qu’une génération informée peut renforcer durablement la stabilité du pays.
Le conférencier, également instructeur à l’Académie militaire Marien-Ngouabi, voit d’ailleurs dans la jeunesse estudiantine un partenaire stratégique : « Vous êtes la première sentinelle, car vous possédez le savoir et l’énergie », a-t-il insisté, mettant en garde contre la tentation de l’autocensure.
Populariser la Loi fondamentale pour garantir la stabilité
Au-delà des facultés de droit, il recommande de diffuser des versions simplifiées de la Loi fondamentale dans les marchés, les gares et sur les plateformes numériques populaires, afin d’étendre le réflexe constitutionnel à tous les segments sociaux, y compris ceux éloignés des circuits universitaires.
Une telle vulgarisation contribuerait, soutient-il, à prévenir les crises en amont, la Constitution devenant un guide partagé plutôt qu’un texte lointain. Elle consoliderait également les avancées obtenues depuis la Conférence nationale souveraine de 1991, étape majeure du pluralisme congolais.
Une dynamique à poursuivre sur tous les campus
En clôture, le Dr Omboula a annoncé la mise en place d’un réseau inter-universitaire d’observation constitutionnelle chargé de recueillir, analyser et transmettre les signalements de violations, travail qui sera partagé avec les institutions compétentes pour garantir une réactivité optimale.
Les prochaines étapes incluent un concours national d’éloquence sur la Loi fondamentale et l’ouverture d’une plateforme interactive. Autant d’initiatives qui, selon les organisateurs, traduisent la volonté de bâtir une culture constitutionnelle dynamique, pilier indispensable au développement harmonieux du Congo-Brazzaville.
Le ministère de l’Enseignement supérieur suit de près ces travaux et envisage d’introduire, dès la prochaine rentrée, un module obligatoire de culture constitutionnelle dans toutes les filières, afin d’institutionnaliser cet élan et de faire de chaque diplômé un ambassadeur éclairé des principes républicains.
À terme, les organisateurs espèrent que cette synergie entre universités, institutions judiciaires et société civile insufflera un réflexe constitutionnel collectif, réduisant ainsi les tensions politiques et favorisant un climat propice à la réalisation des projets de développement inscrits dans la feuille de route gouvernementale.
