Brazzaville plaide pour un multilatéralisme inclusif
Depuis Brazzaville, le 25 juillet, la diplomatie congolaise a donné le ton. Au nom du chef de l’État, le ministre de la Coopération internationale et du partenariat public-privé, Denis Christel Sassou Nguesso, a rappelé devant ses homologues du Comité des Dix que « notre modèle traduit bien les aspirations du continent ». En un propos soigneusement pesé, le ministre a replacé la réclamation africaine dans la longue marche pour un multilatéralisme véritablement représentatif. Dans un contexte international où la fragmentation géopolitique s’accentue, le Congo entend démontrer qu’il est possible de conjuguer loyauté aux principes de la Charte des Nations unies et défense ferme des intérêts africains. La réunion virtuelle n’était pas qu’un exercice de style ; elle a permis de rapprocher les positions avant la reprise des négociations intergouvernementales à New York, offrant ainsi à l’Afrique une plate-forme d’expression structurée.
Le modèle africain : héritage de Syrte et Ezulwini
Fruit de deux décennies de consultations, le modèle adopté par l’Union africaine puise ses racines dans la Déclaration de Syrte (1999) et le Consensus d’Ezulwini (2005). Il réclame deux sièges permanents avec droit de veto et cinq sièges non permanents pour le continent. En évoquant la « réparation de l’injustice historique », Brazzaville souligne que l’Afrique demeure le seul vaste ensemble régional dépourvu de représentation permanente au sein de l’instance la plus puissante de l’ONU. Les diplomates congolais rappellent que, loin d’être une revendication maximaliste, la proposition africaine épouse l’esprit du système onusien : la légitimité découle de la représentativité et non de la seule capacité militaire ou financière. Cette doctrine s’inscrit dans la dynamique de la réforme globale des institutions de gouvernance mondiale, perçue comme un impératif pour préserver la crédibilité des Nations unies.
Diplomatie congolaise : constance et sens stratégique
La participation régulière du Congo aux discussions sur la réforme reflète une constance qui lui vaut l’estime de plusieurs capitales africaines. Sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso, Brazzaville a développé une diplomatie d’influence fondée sur l’art de la médiation et la construction de consensus. Cette approche se vérifie dans les travaux préparatoires du C10 : qu’il s’agisse de la retraite des ambassadeurs à Freetown ou des séances de coordination tenues à Lusaka, la voix congolaise a systématiquement plaidé pour la recherche d’un front commun africain. Des diplomates proches du dossier soulignent que la capacité du Congo à conjuguer discours de principe et sens du compromis a favorisé l’élaboration d’un texte équilibré, suffisamment ferme pour préserver les intérêts essentiels du continent, mais flexible afin de rester négociable face aux membres permanents actuels.
L’unité continentale à l’épreuve des négociations
Dans la coulisse onusienne, l’homogénéité africaine n’est jamais acquise. Diversité linguistique, rivalités régionales et agendas économiques peuvent fragiliser la solidarité affichée. Conscient de cette réalité, le ministre congolais a insisté sur « l’obligation de rester unis et de parler d’une seule voix ». Ce rappel intervient à l’heure où plusieurs partenaires extérieurs cherchent à introduire des options intermédiaires, telles que l’attribution de sièges permanents sans droit de veto. Pour Brazzaville, accepter une telle solution reviendrait à avaliser une seconde injustice. À travers ses multiples consultations, le Congo milite pour une discipline de négociation stricte : aucune discussion sur l’identité des futurs titulaires de siège ne saurait précéder l’acquisition des postes. Cette méthodologie vise à neutraliser les concurrences ex ante et à maximiser la force de frappe diplomatique du continent.
Une fenêtre d’opportunité à New York
Le contexte international, marqué par la rivalité stratégique entre grandes puissances et la quête de légitimité du système multilatéral, offre paradoxalement une marge de manœuvre. De Washington à Beijing, l’idée d’élargir le Conseil de sécurité fait son chemin, même si les modalités restent âprement débattues. Les diplomates congolais misent sur un calendrier synchronisé : profiter de la 79ᵉ Assemblée générale et de la présidence tournante du Conseil pour remettre la réforme à l’agenda politique de haut niveau. Des sources onusiennes indiquent que la crédibilité d’un texte africain unifié pourrait devenir un argument décisif, tant l’ONU cherche à démontrer sa pertinence face aux crises contemporaines. Dans cette dynamique, la réputation du Congo en matière de gestion pacifique des différends régionaux constitue un atout, renforçant la valeur ajoutée symbolique de sa plaidoirie.
Vers un multilatéralisme refondé ou un statu quo prolongé ?
Observateurs et chancelleries s’accordent pour dire que la réforme du Conseil de sécurité représente un test majeur pour la crédibilité de l’ordre international. En remettant à l’avant-scène la notion d’équité, Brazzaville met en lumière une tension fondamentale : sans progrès tangible, l’écart entre la composition de l’organe et la réalité démographique du monde ne fera que s’accentuer. Le ministre Denis Christel Sassou Nguesso se montre prudemment optimiste : « Nous ne manquons ni d’arguments, ni de constance ; restons rassemblés et le moment politique se dessinera. » L’approche reflète la tradition congolaise de diplomatie patiente, attachée à la construction d’une solution négociée plutôt qu’à la confrontation. Dans l’attente des prochains cycles de pourparlers, Brazzaville continue de baliser la voie d’une représentation africaine pleine et entière, convaincue qu’un Conseil de sécurité élargi, plus représentatif et plus légitime, servirait les intérêts de l’Afrique autant que ceux de la communauté internationale dans son ensemble.