Brazzaville scelle une convergence énergétique
En lançant officiellement, le 15 juillet 2025, le Projet d’amélioration des services d’électricité – plus succinctement PASEL – le gouvernement du Congo-Brazzaville et la Banque mondiale ont franchi un palier symbolique dans leur partenariat de longue haleine. La cérémonie, présidée par le ministre de l’Énergie et de l’Hydraulique, Émile Ouosso, a réuni le gotha technique et financier du secteur. Au-delà du rituel protocolaire, l’événement a cristallisé une vision partagée : stabiliser l’alimentation électrique pour consolider la croissance et réduire les fractures sociales qui persistent encore entre les centres urbains et les zones péri-urbaines.
Un instrument financier dans la stratégie de la Banque mondiale
Doté d’une enveloppe de 100 millions de dollars, soit près de 11 % du portefeuille actif de la Banque mondiale au Congo, le PASEL occupe une place stratégique dans la matrice d’investissement de l’institution (Banque mondiale, 2025). Selon Clarence Tsimpo Nkengne, représentant-résident à Brazzaville, l’initiative répond à la double exigence d’efficience budgétaire et de développement durable, principes cardinaux de la feuille de route 2021-2025 de l’institution de Bretton Woods. La rapidité de conception du projet – moins de douze mois – illustre la convergence de vues entre l’équipe gouvernementale et les partenaires techniques sur la nécessité de sécuriser un maillon énergétique souvent exposé aux aléas climatiques et à la vétusté du réseau.
Le corridor Pointe-Noire–Brazzaville en renforcement
Au plan infrastructurel, l’axe Haute Tension reliant la capitale économique à la capitale politique constitue la colonne vertébrale du dispositif. Les travaux annoncés visent un triplement de la capacité de transit, grâce à l’installation de six transformateurs de nouvelle génération et à la réhabilitation de sections critiques du réseau. Pour les opérateurs portuaires de Pointe-Noire comme pour les industries de Brazzaville, la perspective d’une alimentation électrique stable devrait atténuer les coûts d’opportunité liés aux interruptions répétées, estimés à près de 2 % du PIB selon des calculs du ministère des Finances.
Des performances commerciales au cœur de la réforme
La distribution demeure le talon d’Achille du modèle économique de la société Énergie Électrique du Congo (E2C). Entre branchements clandestins et obsolescence des compteurs, les pertes non techniques dépassent par moments 35 %, affaiblissant la rentabilité et la capacité d’investissement de l’opérateur public. Le PASEL introduit des modules de comptage intelligent et renforce les équipes de contrôle in situ afin de rationaliser la facturation. Jie Tang, directeur sectoriel pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre à la Banque mondiale, rappelle que « la soutenabilité financière est le préalable indispensable à toute extension de réseau », soulignant que chaque kilowatt-heure effectivement facturé accroît la marge de manœuvre pour de futurs déploiements hors réseau.
Cap sur l’accès universel et le Pacte énergétique national
Conformément au Pacte énergétique national endossé par le chef de l’État Denis Sassou Nguesso, l’objectif d’accès universel d’ici 2035 sert de boussole aux équipes techniques. La « Stratégie d’électrification nationale » et le « Plan de développement à moindre coût », élaborés avec l’appui de la Banque mondiale, privilégient une combinaison pragmatique : densification du réseau dans les agglomérations à forte croissance, mini-réseaux hybrides pour les localités éloignées, et incitations réglementaires à l’investissement privé dans les énergies renouvelables. Les consultations publiques de l’initiative M300, ouvertes cette semaine, devraient affiner la cartographie des besoins communautaires afin de réduire les inégalités territoriales en matière d’éclairage, d’accès à l’eau et de connectivité numérique.
Une gouvernance sectorielle en mutation
Au chapitre institutionnel, le comité de pilotage du PASEL, présidé par le ministère de l’Énergie, associe le Trésor, le régulateur ARSEL et des représentants de la société civile. Cette architecture s’inspire des meilleures pratiques de gouvernance collaborative, l’objectif étant de garantir transparence et redevabilité. La publication semestrielle d’indicateurs de performance – temps moyen de coupure, taux de recouvrement, progression des raccordements – doit permettre aux bailleurs et aux députés de suivre l’exécution budgétaire en temps quasi-réel. Pour le ministre Émile Ouosso, « la réussite dépendra de notre capacité collective à agir de façon concertée et coordonnée, afin de servir l’intérêt général et tourner la page des délestages récurrents ».
Les défis opérationnels et la feuille de route 2025-2030
Si les ambitions sont clairement balisées, plusieurs défis demeurent. La résorption de la vétusté dans certains quartiers périphériques de Brazzaville, l’accès aux pièces de rechange dans un contexte logistique post-pandémie et la maîtrise de la demande croissante liée à l’urbanisation imposent une vigilance de long terme. L’intégration régionale, à travers le Pool énergétique d’Afrique centrale, ouvre en parallèle des perspectives d’exportation d’excédents hydroélectriques, pour peu que la synchronisation des normes soit accélérée. Les autorités congolaises se disent toutefois confiantes : la planification 2025-2030 du ministère prévoit la mise en service de capacités renouvelables additionnelles, aptes à consolider la résilience du réseau national et à soutenir la diversification économique voulue par le Plan national de développement.