Une dépendance pétrolière sous contrainte internationale
Depuis un demi-siècle, l’or noir irrigue les recettes publiques congolaises, représentant encore près de 80 % des exportations et plus de la moitié des ressources budgétaires, selon la Direction générale du trésor. Or, la montée des exigences climatiques, conjuguée à la fluctuation des cours, fragilise ce modèle de rente. L’Accord de Paris et les engagements pris lors de la COP26 ont accru la pression sur les producteurs pour qu’ils réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre (Programme des Nations Unies pour l’environnement, 2022). Dans ce contexte, Brazzaville ne peut ignorer la transition énergétique mondiale sans risquer un déclassement économique.
Vers un consensus national sur la diversification
La table ronde consultative des 11 et 12 juillet marque une étape dans la construction d’un consensus. Autorités, entreprises, organisations non gouvernementales et bailleurs bilatéraux y ont convenu d’élaborer une feuille de route partagée, assortie d’indicateurs mesurables. « Il s’agit d’anticiper plutôt que de subir la mutation des marchés », souligne Olga Ossombi Mayela, directrice générale du développement durable par intérim, pour qui la consolidation d’une économie verte « constitue un gage de résilience, mais aussi de compétitivité future ». Fort de l’expérience acquise dans le secteur forestier, le pays entend capitaliser sur son potentiel hydraulique évalué à 15 000 MW et sur un ensoleillement annuel moyen de 5 kWh/m².
Renouvelables : des atouts structurels à convertir
Le positionnement géographique du Congo, traversé par d’importants réseaux hydrographiques, offre un avantage comparatif pour les micro-centrales hydroélectriques destinées aux zones rurales. Le gouvernement a déjà signé quatre protocoles d’entente avec des investisseurs privés pour le développement de centrales solaires à Ngo, Imboulou et Oyo, dont la capacité totale excédera 200 MW, d’après le ministère de l’Énergie et de l’Hydraulique. Par ailleurs, la biomasse issue des résidus forestiers pourrait alimenter une filière énergétique circulaire, réduisant simultanément la déforestation.
Défis de financement et gouvernance
La transition réclame néanmoins des capitaux lourds, estimés à 3 milliards de dollars pour la seule modernisation du réseau électrique national (Banque africaine de développement, 2023). Brazzaville table sur un mix d’instruments : partenariats public-privé, obligations vertes et fonds climatiques internationaux. Le ministre des Finances a confirmé l’exploration d’une première émission d’euro-obligations durables, jugeant que « la crédibilité se gagnera par la transparence ». Dans un pays où la gouvernance extractive a fait l’objet de critiques par le passé, la mise en place d’une autorité de régulation indépendante figure désormais au rang des priorités.
Retombées sociales et équité territoriale
Pour la société civile, l’enjeu ne saurait se limiter à un jeu d’écritures macro-économiques. Christian Mouzeo, coordonnateur de l’ONG Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme, rappelle que « la transition sera juste ou ne sera pas ». L’accès à l’électricité demeure inférieur à 50 % dans les zones rurales, accentuant les disparités régionales. L’actualisation du plan d’électrification, couplée à des formations professionnelles ciblées sur l’ingénierie solaire et l’efficacité énergétique, est considérée comme le socle d’une transition inclusive.
Un positionnement diplomatique en mutation
Sur la scène internationale, le Congo cherche à s’ériger en acteur constructif de la diplomatie climatique. La récente adhésion au Global Methane Pledge et la participation active au Fonds pour les pertes et dommages renforcent cette image. Brazzaville entend aussi jouer de sa position au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale pour mutualiser les projets transfrontaliers, notamment le corridor énergétique Inga-Brazzaville. Ce repositionnement offre au pays l’opportunité de diversifier ses partenariats, en particulier avec les bailleurs asiatiques spécialisés dans le solaire de grande capacité.
À terme, la combinaison d’un cadre réglementaire stable, d’infrastructures modernes et d’un capital humain qualifié pourrait transformer la transition énergétique en vecteur d’industrialisation légère. Comme le souligne un diplomate européen accrédité à Brazzaville, « la compétitivité africaine de demain se jouera sur la capacité des États à conjuguer performance environnementale et inclusion sociale ». Pour le Congo-Brazzaville, l’heure est donc à l’action concertée, entre prudence stratégique et confiance raisonnée dans les promesses d’une économie verte.