Une gouvernance macroéconomique sous le sceau de la prudence
La récente allocution du Premier ministre Anatole Collinet Makosso devant les chambres réunies a réaffirmé la priorité accordée à la consolidation budgétaire. En dépit d’un environnement international heurté par la remontée des taux directeurs et la volatilité des cours du brut, Brazzaville maintient la trajectoire d’un solde primaire excédentaire, gage de crédibilité auprès du FMI et des créanciers bilatéraux. Les émissions obligataires régionales, régulièrement sursouscrites à la Banque des États de l’Afrique centrale, témoignent de la confiance des investisseurs dans la signature congolaise. « La stabilité institutionnelle est devenue un atout bancaire pour un pays en quête de capitaux patients », observe le professeur Obami Itou de l’Université Marien-Ngouabi.
Le pari de la diversification hors pétrole
Longtemps captif des hydrocarbures qui représentent encore près de la moitié du PIB, le Congo a enclenché un processus de diversification dont la Zone économique spéciale de Pointe-Noire constitue le laboratoire. Le projet de transformation locale du fer de Mayoko, la relance de la filière bois certifiée FSC et l’essor d’une agriculture de substitution au tout-import se veulent les embryons d’un tissu industriel moins dépendant des aléas énergétiques. Selon les données du ministère de l’Économie, le secteur non pétrolier a enregistré une croissance de 4,3 % en 2023, soit trois fois la moyenne de la CEMAC. La montée en puissance des PME locales y joue un rôle moteur, stimulée par un cadre incitatif alliant exonérations fiscales ciblées et simplification administrative.
Partenariats Sud-Sud et financement innovant
Profitant d’une diplomatie active, Brazzaville diversifie ses sources de financement au-delà des bailleurs traditionnels. La ligne de crédit de 300 millions USD conclue avec Afreximbank en marge du Sommet de l’Union africaine illustre une approche pragmatique : mobiliser la liquidité africaine pour des projets créateurs de valeur sur le continent. De son côté, l’accord-cadre signé avec la Banque chinoise de développement prévoit un volet de transferts de technologie dans l’agropole d’Oyo, renforçant l’intégration des chaînes de valeur. « Le Congo ne se contente plus d’exporter des matières premières, il veut internaliser les savoir-faire », souligne l’analyste camerounais Georges Yana, spécialiste des marchés de la CEMAC.
La diplomatie du climat comme levier de crédibilité
Niche stratégique de la politique étrangère congolaise, la préservation du bassin du Congo confère au pays une stature d’acteur climatique de premier plan. Après la signature, à Brazzaville, de l’Accord portant création de la Commission climat du Bassin du Congo, la diplomatie verte s’est traduite par l’émission inaugurale d’obligations vertes souveraines, d’un montant de 200 millions USD, adossées à des programmes de reforestation. L’initiative, saluée par l’Agence de notation extra-continentale Moody’s, ouvre la voie à un coût de financement différencié pour des projets compatibles avec les objectifs de Paris. En parallèle, la coopération avec l’Initiative pour la forêt d’Afrique centrale facilite l’accès à des subventions destinées aux communautés riveraines, renforçant l’acceptabilité sociale des politiques publiques.
Regards extérieurs et perspectives régionales
La conjonction d’une gouvernance jugée prévisible et d’une ambition régionale affirmée ne laisse pas indifférents les acteurs diplomatiques. L’Union européenne, tout en encourageant la poursuite des réformes structurelles, voit dans le Congo un partenaire stabilisateur à l’heure où plusieurs États voisins traversent des turbulences institutionnelles. Washington, pour sa part, a fait savoir qu’un Bureau de la DFC, son bras financier, pourrait être ouvert à Brazzaville afin de soutenir davantage de projets d’infrastructures numériques. Quant à la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, elle mise sur la connectivité ferroviaire Congo-Gabon pour dynamiser un marché de près de 200 millions de consommateurs. Dans ce contexte, la feuille de route 2024-2027 du gouvernement se fixe pour horizon un taux de croissance non pétrolier de 6 % et une réduction à 55 % du ratio dette/PIB, indicateurs qui, s’ils étaient atteints, conforteraient la place de Brazzaville dans le concert des économies africaines émergentes.