Cap sur une diplomatie d’influence régionale
Installée face à Kinshasa sur le majestueux fleuve Congo, la capitale brazzavilloise sert de vigie géopolitique dans une région souvent traversée par les soubresauts sécuritaires. Sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso, dont l’expérience cumulée confère un indéniable capital politique, le pays s’est offert le rôle de médiateur discret, notamment dans les transitions centrafricaine et tchadienne. Cette diplomatie d’entregent, nourrie par des consultations régulières au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, s’appuie sur une tradition de neutralité bienveillante qui rassure les partenaires internationaux sans froisser les voisins.
À New York, la voix congolaise défend inlassablement le principe d’« africanisation » des solutions aux crises, mantra repris lors des sommets de l’Union africaine. L’activisme climatique de Brazzaville, hôte en 2023 du sommet tripartite Amazonie-Bornéo-Congo, témoigne également d’une volonté d’élargir son spectre d’influence au-delà des dossiers sécuritaires. En filigrane, le pouvoir entretient une image de stabilité utile, ce qui lui vaut de figurer parmi les interlocuteurs privilégiés de partenaires tels que Paris et Pékin.
Modernisation économique et partenariats stratégiques
Longtemps dépendante des hydrocarbures, l’économie congolaise s’emploie à déployer de nouveaux leviers de croissance. Le Plan national de développement 2022-2026 fixe pour cap la transformation locale du bois, l’essor d’une agriculture de rente modernisée et l’électrification des corridors logistiques. Les premières récoltes de cacao certifié équitable dans le Niari ou l’expansion du terminal de conteneurs de Pointe-Noire signalent un pas tangible vers la diversification.
La coopération Sud-Sud imprime sa marque : les accords conclus avec la Turquie pour la valorisation du phosphate de Hinda et ceux scellés avec l’Inde pour les télécommunications illustrent un pragmatisme économique assumé. Selon la Banque africaine de développement, la croissance hors-pétrole devrait ainsi dépasser 4 % en 2024, aidée par la bonne tenue des projets d’interconnexions régionales. Les partenaires financiers saluent par ailleurs l’assainissement budgétaire opéré dans le cadre du programme FMI signé en 2022, même si la soutenabilité de la dette reste surveillée.
Gestion raisonnée des ressources forestières
Avec 65 % de son territoire couvert de forêts primaires, le Congo détient un levier climatique décisif. La Commission climat du Bassin du Congo, présidée par Brazzaville, milite pour la rémunération effective des services écosystémiques. Le Fonds bleu pour le Bassin du Congo, doté de promesses d’engagements chiffrées à 3 milliards de dollars, ambitionne de financer des infrastructures vertes allant de l’énergie hydraulique à la cartographie fine du carbone forestier.
Concrètement, les concessions forestières certifiées FSC s’étendent désormais sur plus de deux millions d’hectares, tandis que le Code forestier révisé en 2020 impose un seuil de transformation locale de 100 % des grumes. Les ONG saluent un texte pionnier dans la sous-région, même si elles appellent à une application uniforme. L’exécutif congolais, soucieux de démontrer sa bonne foi, a récemment ouvert son guichet MRV (Measurement, Reporting and Verification) aux observateurs indépendants du Partenariat pour les forêts du Bassin du Congo.
Brazzaville, capitale culturelle et vecteur de soft power
Au-delà des indicateurs macroéconomiques, le Congo cultive un imaginaire collectif influent. Brazzaville, proclamée « Ville créative » par l’UNESCO pour sa tradition musicale, accueille chaque année le Festival Panafricain de Musique qui attire un public continental. La diplomatie culturelle s’exprime également par le soutien aux écoles d’art du Plateau des 15 ans, pépinières d’une création contemporaine qui circule dans les biennales de Rabat à Dakar.
Cette projection symbolique participe à consolider la visibilité internationale du pays, tout en offrant une plateforme de dialogue interculturel. Les autorités mettent en avant ces initiatives pour illustrer une normalité quotidienne éloignée des clichés de conflictualité qui collent trop souvent à la région. Le soft power congolais, adossé à la rumba et à la littérature de Sony Labou Tansi, devient ainsi un outil supplémentaire de rayonnement.
Perspectives et défis maîtrisés
Les défis demeurent : redressement post-pandémique, répartition équitable de la rente pétrolière, montée en compétence de la jeunesse urbaine. Pourtant, la trajectoire résolue vers la diversification et la diplomatie environnementale offre un socle de résilience. L’adhésion de la population aux réformes, favorisée par un dialogue social régulier, constitue un atout pour la conduite des chantiers structurants.
À l’heure où les acteurs internationaux redéfinissent leurs priorités en Afrique, le Congo-Brazzaville se positionne comme un partenaire fiable, porteur d’un agenda de stabilité et de croissance verte. L’habileté avec laquelle Brazzaville cultive les équilibres régionaux, économiques et climatiques laisse entrevoir une continuité stratégique dont la communauté diplomatique ne peut que prendre la mesure.