Un chantier de cohésion sociale à l’échelle nationale
À Brazzaville, Pointe-Noire, Ouesso et Dolisie, l’ambiance studieuse qui règne dans les salles de réunion trahit l’importance du moment : les Comités communautaires de ciblage s’attellent à vérifier, une à une, les identités des 40 000 jeunes pressentis pour intégrer le Projet de Soutien à l’Insertion et à la Productivité des Jeunes (PSIPJ). Cette étape, entamée le 9 juillet, cristallise cinq années de conception stratégique pilotée par le gouvernement congolais, avec l’appui méthodologique et financier de la Banque mondiale. Elle confère d’emblée au programme un ancrage citoyen, gage de crédibilité pour les bailleurs internationaux comme pour les chancelleries qui suivent de près l’évolution de la gouvernance sociale en République du Congo.
La jeunesse congolaise face aux défis structurels de l’emploi
Selon les estimations officielles, plus de 60 % de la population congolaise est âgée de moins de trente-cinq ans. Pour une partie d’entre eux, la transition école-emploi se heurte à un double verrou : l’étroitesse de l’appareil productif hors hydrocarbures et l’insuffisance d’offres de formation adaptées aux réalités locales. En ciblant prioritairement les jeunes déscolarisés ou socialement marginalisés, le PSIPJ ambitionne de transformer ce défi démographique en dividende, en les orientant vers des filières à fort potentiel de valeur ajoutée — agriculture de niche, services numériques émergents, énergies renouvelables artisanales. Le prisme économique s’entrelace ici avec un impératif de stabilité : offrir des perspectives professionnelles, c’est aussi prévenir les tentations de migration risquée ou de repli informel.
Une gouvernance participative à l’épreuve du terrain
Innovation majeure du dispositif, les Comités communautaires de ciblage réunissent chefs de quartiers, représentants d’associations, autorités traditionnelles et relais de la jeunesse. Ce maillage, inspiré de pratiques de développement endogènes, poursuit un objectif de transparence en amont : rendre publiques les listes de candidats afin de limiter toute suspicion de favoritisme et, partant, consolider la confiance entre populations bénéficiaires et institutions. « Nous voulons que chaque jeune se reconnaisse dans le processus, qu’il se sente partie prenante », souligne Florent Malonga Moussa, coordonnateur des chefs de quartiers de l’arrondissement 9 Djiri. Cette logique collaborative résonne avec les standards de “redevabilité sociale” valorisés par les partenaires techniques et financiers.
Les partenariats financiers comme gage de soutenabilité
Doté de plusieurs dizaines de millions de dollars, l’enveloppe mobilisée par la Banque mondiale illustre une confiance renouvelée dans la trajectoire de réformes économiques engagée par Brazzaville. Le mode opératoire prévoit une assise budgétaire progressive : à la subvention initiale destinée aux formations civiques et entrepreneuriales s’ajoute un appui technique chargé d’accompagner l’élaboration de plans d’affaires réalistes, avant le décaissement d’un capital-semence plafonné à un niveau jugé soutenable pour les finances publiques. « Notre rôle est d’incuber et de bancariser ces micro-projets afin qu’ils ne demeurent pas dans l’informel », précise Bernicia Massimina, assistante comptable du PSIPJ, soulignant la volonté de créer un effet levier auprès des institutions de micro-finance locales.
Vers une nouvelle matrice d’inclusion économique
Au-delà des chiffres, l’ambition centrale du PSIPJ consiste à redéfinir la relation que la jeunesse entretient avec le tissu productif. Le module de « vie citoyenne », qui précède l’enseignement technique, introduit des notions de fiscalité, de responsabilité sociétale et de gestion participative. Le but est clair : faire émerger une génération d’acteurs économiques conscients de leur rôle dans la consolidation de l’État. Pour les observateurs internationaux, cette approche holistique s’inscrit dans la lignée des programmes de résilience post-pandémie recommandés par plusieurs agences onusiennes. Elle pourrait, si elle atteint son seuil critique, générer des externalités positives en matière de gouvernance locale et de cohésion nationale.
Cultiver le capital humain, enjeu de stabilité régionale
Dans un contexte sous-régional marqué par la mobilité transfrontalière et les incertitudes sécuritaires, la réussite congolaise serait scrutée comme un marqueur de bonne pratique. Les diplomates accrédités à Brazzaville notent déjà que l’implication communautaire renforce la légitimité des politiques publiques, un paramètre décisif pour tout dialogue futur sur l’intégration économique de la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale. À court terme, le calendrier opérationnel reste serré : les premiers décaissements sont attendus avant la fin de l’exercice budgétaire, afin de capitaliser sur la saison agricole prochaine. À moyen terme, l’enjeu sera d’amplifier les filières porteuses et de pérenniser l’accompagnement, de manière à éviter l’effet « feu de paille » que connaissent parfois les projets pilotes.
Entre attentes mesurées et optimisme raisonné
Nul ne sous-estime l’ampleur de la tâche. Pourtant, le cap fixé par les autorités, en cohérence avec la vision articulée par le président Denis Sassou Nguesso lors de son récent discours sur l’état de la Nation, inspire un optimisme raisonné. S’écartant des slogans, le PSIPJ mise sur la technicité, la reddition de comptes et la mobilisation de compétences locales. Si ces piliers sont maintenus, le projet pourrait bien devenir la boussole d’une politique publique de l’emploi plus inclusive, susceptible de renforcer la stabilité sociale et de projeter vers l’extérieur une image de dynamisme maîtrisé, que partenaires et investisseurs seront enclins à saluer.