Cap sur l’accès universel à l’énergie
Dans une salle sobrement décorée du ministère des Hydrocarbures, les principaux acteurs du secteur électrique congolais ont apposé, le 22 juillet, leur paraphe sur le document stratégique baptisé « Pacte national de l’énergie ». Porté par le gouvernement du président Denis Sassou Nguesso, ce programme se fixe un horizon clair : raccorder plus de 800 000 ménages supplémentaires aux réseaux de distribution avant l’échéance 2030, en ciblant systématiquement les agglomérations de plus de mille habitants. L’objectif épouse la trajectoire des ODD tout en répondant à une demande domestique en constante progression, estimée à près de 8 % par an selon l’Observatoire national de l’Énergie.
Un dispositif multi-acteurs
Le caractère inclusif du Pacte a dominé les échanges. Représentant la société civile, Armand Bemba de l’ONG Énergie Avenir salue « une plateforme enfin capable de fédérer les administrateurs locaux, les producteurs indépendants et les bailleurs ». Côté institutionnel, la Direction générale de l’Énergie insiste sur la gouvernance partagée : les comités provinciaux auront à charge le suivi des travaux, tandis qu’un secrétariat technique centralisé veillera à la cohérence nationale et au respect des jalons trimestriels.
Le rôle clé des renouvelables
La feuille de route s’appuie résolument sur une matrice énergétique diversifiée, accordant une place privilégiée aux segments solaire, hydroélectrique, hydrolien et biomasse. Brazzaville mise sur un solaire photovoltaïque compétitif, rendu plus abordable par la baisse de 80 % du prix des panneaux en une décennie. Des micro-centrales au fil de l’eau sont projetées sur la Léfini et la Sangha, de même que des unités biomasse adossées aux résidus forestiers du nord du pays. Pour Jean-Marc Mboko, ingénieur hydroélectricien à l’Université Marien-Ngouabi, « la complémentarité entre grands barrages existants et solutions décentralisées offre une résilience inédite face aux pics de consommation et aux aléas climatiques ».
Financer l’ambition : l’option Mission 300
Sur le plan financier, le projet s’inscrit dans la dynamique Mission 300, initiative de la Banque mondiale visant à mobiliser 300 milliards de dollars en faveur de l’électrification sur dix ans. Attendu pour signature à New York, en marge de la prochaine Assemblée générale des Nations unies, le montage congolais combine prêts concessionnels, dons ciblés et instruments de garantie. Le Fonds monétaire international, le PNUD et la Fondation Rockefeller ont déjà manifesté leur appui technique, tandis que des discussions avancées avec la Banque africaine de développement portent sur une ligne de crédit verte. Le ministre délégué aux Finances, Ludovic Itoua, assure que la soutenabilité de la dette reste « une ligne rouge intangible », le gouvernement privilégiant des maturités longues et des taux d’intérêt inférieurs à 1,5 %.
Vers une tarification socialement robuste
Au-delà des infrastructures, l’exécutif s’emploie à consolider le cadre tarifaire. La réforme prévoit une grille progressive indexée sur la consommation réelle et un dispositif de protection pour les ménages vulnérables. Lutte contre les pertes commerciales, digitalisation du comptage et campagne nationale de sensibilisation doivent permettre d’atteindre 95 % de recouvrement en cinq ans, contre 72 % aujourd’hui. Selon la Commission de régulation, cette amélioration générera chaque année l’équivalent de 0,8 point de PIB en recettes additionnelles, réinjectées dans l’entretien du réseau.
Impact géoéconomique attendu
À l’échelle régionale, le Pacte national de l’énergie s’inscrit en complémentarité avec le Pool énergétique d’Afrique centrale. Les nouvelles capacités permettront de sécuriser les exportations vers le Gabon et la République démocratique du Congo, tout en réduisant les importations d’énergie fossile. Pour les milieux d’affaires, l’accès fiable à l’électricité constitue un levier majeur d’industrialisation : la Zone économique spéciale de Pointe-Noire anticipe une hausse de 25 % de sa production manufacturière une fois la ligne haute tension Mindouli-Tsévié opérationnelle.
Prochaines étapes diplomatiques
La signature new-yorkaise donnera le coup d’envoi formel de la phase d’exécution. Un premier portefeuille de projets — micro-réseaux solaires au Kouilou, réhabilitation des postes de transformation de Dolisie, électrification rurale autour de Gamboma — sera présenté dès le quatrième trimestre. À moyen terme, Brazzaville envisage d’adosser son initiative à l’Alliance solaire internationale et de rejoindre la Plateforme hydrogène propre, renforçant ainsi sa diplomatie énergétique.
Pour les partenaires, le Congo offre aujourd’hui un cadre juridico-fiscal stabilisé et une volonté de réforme tangible. En interne, l’administration promet un reporting public semestriel, preuve qu’elle entend conjuguer transparence budgétaire et efficacité opérationnelle. À l’heure où le continent cherche à concilier croissance et décarbonation, le pari congolais apparaît, pour beaucoup d’observateurs, comme un laboratoire grandeur nature d’une transition juste et inclusive.