Recrudescence du choléra à Brazzaville : état des lieux
Au cours du seul mois de juillet, Brazzaville a enregistré cent quatre-vingt-quinze cas suspects de choléra, dont six confirmés en laboratoire. Douze décès ont endeuillé les familles, rappelant la virulence d’une bactérie qui prospère lorsque l’eau potable fait défaut. Le ministère de la Santé, appuyé par ses partenaires techniques, a déployé des équipes de surveillance dans les arrondissements les plus touchés afin d’actualiser quotidiennement la cartographie épidémiologique. Pour le Dr Lydie Ndoudi, épidémiologiste à l’hôpital de Makélékélé, « la rapidité de la prise en charge demeure décisive ; une réhydratation précoce peut ramener la létalité sous le seuil de 1 % préconisé par l’Organisation mondiale de la santé ». La capitale congolaise, traversée par de nombreux marchés informels et points d’eau non contrôlés, se trouve ainsi à un carrefour critique où santé publique et dynamiques urbaines s’entrecroisent.
La société civile, courroie de transmission essentielle
Consciente de l’enjeu, la Coordination nationale des organisations de la société civile pour la réponse communautaire multisectorielle contre les épidémies a réuni, le 7 août, près de deux cents relais communautaires. Sous l’égide du Conseil consultatif de la société civile, l’atelier a permis de mutualiser les connaissances sur les modes de transmission et les protocoles d’alerte rapide. « L’engagement communautaire est la première barrière sanitaire », a souligné Markos Hollat Louis, coordonnateur de la Cnore, insistant sur la nécessité de détecter et de signaler un cas suspect dans les deux heures suivant l’apparition des symptômes. L’approche se veut décentralisée : chaque quartier est invité à désigner des vigies sanitaires capables d’orienter les malades vers les centres de traitement et de relayer les messages de prévention adaptés aux réalités locales.
Des gestes simples pour une protection collective efficace
Au cœur de la campagne figure une pédagogie des gestes du quotidien. Se laver les mains avant chaque repas, consommer exclusivement de l’eau bouillie ou chlorée, rincer fruits et légumes dans une solution désinfectante, cuire les aliments à cœur : autant de pratiques dont la récurrence réduit drastiquement la charge bactérienne. La Cnore rappelle également l’importance de couvrir les aliments et d’éviter les poissons crus issus du fleuve Congo, vecteurs potentiels de contamination. Selon la direction départementale de la santé, un ménage correctement informé diminue de 70 % le risque d’introduction du vibrion cholérique dans son environnement immédiat. Les leaders religieux, les responsables de marchés et les associations de femmes sont ainsi mis à contribution pour inscrire ces gestes dans le registre des habitudes partagées.
Convergence d’efforts entre autorités et partenaires
Le gouvernement, par la voix du ministre de la Santé Gilbert Mokoki, a salué « la formidable capacité d’entraînement de la société civile », rappelant que la riposte bénéficie également du soutien logistique de l’Unicef et de l’OMS. Des stations de chloration temporaires ont été installées sur les principaux points de prélèvement d’eau, tandis que les laboratoires mobiles de l’Institut national de recherche en sciences de la santé procèdent à un séquençage génomique pour identifier d’éventuelles mutations du vibrion. Sur le volet financier, le Trésor public a débloqué une enveloppe d’urgence pour l’achat de sels de réhydratation orale et d’antibiotiques de première ligne. Cette synergie vertueuse, loin de se substituer à l’action publique, vient la compléter et la renforcer, chaque acteur apportant sa compétence propre dans une logique de subsidiarité.
Vers une culture de vigilance sanitaire permanente
Si le pic épidémique n’est pas encore atteint, les leçons tirées des flambées précédentes incitent à bâtir une résilience à long terme. Le Centre congolais de promotion de la santé envisage, en collaboration avec les universités, d’intégrer un module de sensibilisation au choléra dans les curricula de formation des enseignants. Par ailleurs, la municipalité travaille à l’amélioration de la gestion des déchets et à la modernisation des réseaux d’adduction d’eau potable, investissements structurants qui porteront leurs fruits bien au-delà de la crise actuelle. Pour le sociologue Arsène Ossélé, « la vraie victoire se mesurera lorsque les réflexes sanitaires deviendront un patrimoine commun, transmissible d’une génération à l’autre ». Dans une capitale en pleine mutation démographique, la construction de cette culture préventive apparaît désormais comme un impératif partagé, garant d’une santé publique durable et inclusive.