Une flambée maîtrisée dès les premiers signaux
Depuis la confirmation, le 10 juillet, d’un premier cas de choléra sur l’île Mbamou, enclave fluviale rattachée administrativement à Brazzaville, les autorités sanitaires congolaises ont immédiatement activé le dispositif d’alerte épidémiologique. Le professeur Jean-Médard Nkankou, directeur de l’épidémiologie et de la lutte contre la maladie, rappelle que « la précocité de la réponse demeure essentielle afin d’éviter une propagation silencieuse ». Six cas positifs ont été diagnostiqués à ce jour, dont plusieurs décès dont l’imputabilité exacte au vibrion cholérique doit encore être établie. Loin de céder à la dramatisation, le ministère de la Santé privilégie une communication factuelle tout en renforçant la vigilance dans les zones à risque.
Coordination intersectorielle, clé de voûte de la riposte
Conformément au Plan national de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, une cellule de crise interministérielle a été installée au sein même du ministère de la Santé. Y siègent les représentants des secteurs de l’hydraulique urbaine, de l’environnement, de l’intérieur et de la communication, ainsi que les experts de l’Organisation mondiale de la santé et du Centre africain de contrôle des maladies. Cette collégialité reflète la doctrine gouvernementale selon laquelle la lutte contre le choléra n’est pas l’apanage d’une seule entité, mais un exercice transversal mobilisant l’ensemble de l’appareil d’État et ses partenaires techniques.
Surveillance épidémiologique et diplomatie sanitaire régionale
Le fleuve Congo, artère vitale autant que frontière naturelle, impose une coordination au-delà des seules rives brazzavilloises. Des équipes mixtes congolaises et onusiennes sillonnent désormais les ports de pêche et les points de passage informels pour effectuer des prélèvements d’eau et sensibiliser les bateliers. Les autorités de Kinshasa, en République démocratique du Congo, ont été officiellement informées de la situation, conformément aux dispositions du Règlement sanitaire international. Cet échange d’informations en temps réel illustre la maturité diplomatique de Brazzaville en matière de sécurité sanitaire collective.
Logistique sanitaire et renforcement des capacités locales
À l’Hôpital de référence de Makélékélé, un centre de traitement du choléra a été installé en moins de 48 heures, avec une capacité initiale de trente lits extensible en fonction de l’évolution des besoins. Les stocks stratégiques de sels de réhydratation orale, d’antibiotiques et de solutions chlorées ont été acheminés par la Pharmacie nationale d’approvisionnement. Parallèlement, des sessions de formation accélérée se tiennent pour le personnel infirmier venu des districts de Djiri, Talangaï et du département voisin de la Cuvette, afin d’uniformiser les protocoles thérapeutiques et de biosécurité.
Communication de crise et engagement communautaire
Dans les quartiers riverains, les chefs coutumiers et les associations religieuses sont sollicités pour relayer des messages de prévention simples : lavage systématique des mains au savon, désinfection des puits et consommation d’eau bouillie. Les radios locales diffusent quotidiennement des spots en kituba et en lingala, tandis que des équipes de la Croix-Rouge distribuent des pastilles de chlore. Cette approche participative, déjà éprouvée lors des précédentes alertes d’Ebola dans la sous-région, vise à transformer chaque citoyen en acteur de la santé publique. « Le succès dépend de l’appropriation communautaire des bonnes pratiques », insiste un cadre de la direction départementale de la santé.
Enjeux à moyen terme : infrastructures et résilience urbaine
Au-delà de l’urgence, l’épisode actuel rappelle l’importance des investissements structurants dans l’accès à l’eau potable et à l’assainissement. Le réseau d’adduction de Brazzaville, bien que modernisé ces dernières années, reste sous pression démographique. La Société nationale de distribution d’eau, appuyée par la Banque africaine de développement, conduit un programme d’extension des bornes-fontaines publiques dont les premières réalisations sont attendues d’ici à 2025. Cette politique s’inscrit dans la vision présidentielle visant à faire de l’hygiène collective un levier de développement humain durable.
Perspectives et leçons pour la gouvernance sanitaire
Si les 187 cas suspects recensés sur l’île Mbamou et dans le département du Congo-Oubangui ne constituent pas, à ce stade, une crise majeure, l’initiative gouvernementale illustre une culture de la prévention solidement ancrée. L’activation rapide de la chaîne de commandement, la synergie entre ministères et partenaires et l’ouverture d’un dialogue régional démontrent la capacité du Congo-Brazzaville à transformer un défi sanitaire ponctuel en opportunité de renforcement de la résilience nationale. Pour les diplomates en poste comme pour les analystes de la santé globale, l’expérience brazzavilloise offre un cas d’école de gestion anticipative des risques dans un contexte fluvial transfrontalier.