Contexte sanitaire régional et dynamique de l’épidémie
Depuis le mois de juin, la façade ouest du bassin du Congo fait face à une recrudescence sporadique de cas de choléra, maladie diarrhéique aiguë historiquement liée aux pénuries d’eau potable et aux migrations saisonnières. Située au carrefour fluvial des échanges sous-régionaux, la République du Congo n’échappe pas à cette pression épidémique. Le rapport de situation n° 5 publié le 6 août 2025 par le Bureau régional de l’Organisation mondiale de la santé (OMS, rapport de situation n° 5, 6 août 2025) relève 824 cas suspects au niveau national, dont 41 confirmés par culture, concentrés principalement dans les départements du Kouilou et de Pointe-Noire.
Données épidémiologiques actualisées
Au 4 août, l’incidence s’établit à 3,2 cas pour 100 000 habitants, un taux inférieur à celui observé lors de la flambée de 2017, ce qui indique une progression lente mais surveillée. L’âge médian des patients est de 21 ans, signe d’une vulnérabilité accrue des jeunes actifs, particulièrement exposés lors d’activités halieutiques et portuaires. Le taux de létalité demeure contenu à 1,4 %, nettement sous le seuil d’alerte de 2 % fixé par l’OMS, grâce, selon les épidémiologistes nationaux, à la précocité de la prise en charge par les équipes mobiles d’intervention rapide.
Architecture de la riposte nationale
Dès la notification des premiers cas, le gouvernement, par l’entremise du ministère de la Santé et de la Population, a activé le Centre opérationnel d’urgence de santé publique (COUSP), plate-forme de coordination intersectorielle mise en place en 2023. Sous la houlette du docteur Gilbert Nké, directeur général de la santé, 172 agents communautaires ont été déployés pour la recherche active de cas, la promotion des bonnes pratiques d’hygiène et la distribution de pastilles chlorées. « La décentralisation de la surveillance est notre atout majeur », confie le praticien, soulignant que chaque aire de santé dispose désormais d’un tableau de bord numérique alimenté quotidiennement via un réseau 4G sécurisé.
Parallèlement, le ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement a accéléré le programme d’alimentation en eau potable financé conjointement avec la Banque africaine de développement. À Pointe-Noire, cinq nouvelles stations de chloration d’une capacité cumulée de 12 000 m³ par jour ont été mises en service le 1er août, réduisant de 37 % la turbidité moyenne mesurée aux points de prélèvement critiques.
Défis logistiques et financières en pleine saison des pluies
Si la coordination institutionnelle s’est professionnalisée, les contraintes logistiques demeurent marquées. La saison des pluies avance, rendant certaines pistes secondaires impraticables et ralentissant l’acheminement des kits de perfusion. Selon le docteur Irène Mabiala, responsable logistique au COUSP, les besoins immédiats se chiffrent à 75 tonnes de matériel, soit 15 % de plus qu’en 2024. La flotte aérienne légère affrétée auprès de l’Armée de l’air congolaise effectue déjà trois rotations hebdomadaires entre Brazzaville et Dolisie, mais la saturation menace.
Le volet financier, lui, s’articule autour d’un budget d’urgence de 4,6 milliards de francs CFA. À ce jour, 78 % des engagements ont été honorés, les contributions principales provenant du Trésor public, du Fonds africain de solidarité et de l’Agence française de développement. Les autorités assurent qu’aucun retard de paiement n’a été constaté sur les primes de terrain versées au personnel soignant, un facteur de motivation salué par les syndicats.
Voix d’experts et mobilisation communautaire
Au-delà des données brutes, les sociologues insistent sur la nécessaire appropriation locale des messages de prévention. À Ngoyo, quartier périphérique de Pointe-Noire, l’imam Abdoul Razak relaye chaque vendredi des consignes sanitaires à la mosquée, tandis que la pasteure Grâce Makosso diffuse des spots radiophoniques en kituba. « C’est la diversité de nos relais qui fait la force de la réponse », analyse la professeure Félicité Ngolou, anthropologue à l’Université Marien-Ngouabi.
Sur le plan académique, un protocole d’étude clinique sur l’efficacité du vaccin oral Euvichol-Plus, conduit en double aveugle par l’Institut national de recherche en sciences de la santé, vient d’être validé par le Comité national d’éthique. Les premiers résultats, attendus en novembre, devraient éclairer la stratégie vaccinale ciblée envisagée pour les zones riveraines du fleuve Congo.
Perspectives et pistes de consolidation
La courbe épidémique actuelle, bien que sous contrôle, rappelle la nécessité d’un investissement structurel pérenne dans l’assainissement urbain et la gouvernance de l’eau. Les autorités congolaises entendent capitaliser sur la présente riposte pour renforcer la résilience du système de santé primaire, en particulier dans les districts frontaliers. De nouveaux partenariats, annoncés avec le Centre africain de contrôle des maladies, devraient apporter un appui technique en modélisation prédictive afin de mieux anticiper les foyers émergents.
À moyen terme, l’objectif gouvernemental reste inchangé : maintenir le taux de létalité sous 1 % et réduire l’incidence de 60 % d’ici juillet 2026. « Notre ambition est de transformer chaque crise en opportunité de modernisation sanitaire », affirme le ministre de la Santé, Gilbert Mokoki, lors d’une conférence de presse à Brazzaville le 7 août.
En s’appuyant sur une réponse concertée, des financements déjà mobilisés et un tissu communautaire engagé, la République du Congo espère non seulement juguler la flambée actuelle, mais aussi poser les jalons d’une santé publique durable, adaptable aux défis climatiques et démographiques à venir.