Ignié, laboratoire d’une ambition nationale
Le 11 juillet, le terrain impeccablement tondu du Centre technique d’Ignié a servi de théâtre à un troisième match test aussi discret qu’instructif pour la sélection A’ du Congo-Brazzaville. Vainqueurs 3-1 de l’AS Otohô, engagée parallèlement dans la Coupe de la Confédération, les Diables rouges ont confirmé la montée en puissance esquissée depuis le début du stage estival. Les buts de Grâce Nsemi, Venold Nzaba et Mignon Koto ont matérialisé une domination technique croissante, mais l’intérêt principal de la rencontre résidait ailleurs : jauger la colonne vertébrale d’un collectif appelé à représenter la nation au prochain Championnat d’Afrique des nations, vitrine continentale dédiée aux footballeurs évoluant dans leurs championnats domestiques.
Une courbe de progression tangible mais perfectible
Interrogé à l’issue de la partie, le sélectionneur Barthélemy Ngatsono a rappelé que « le premier match avait été ennuyeux, le second remporté 5-0, et ce troisième 3-1 ». L’enchaînement témoigne d’une amélioration mesurable, sans occulter les insuffisances persistantes en matière de cohésion et de replacement défensif. Sur le plan métrique, les données du staff médical confirment une courbe ascendante de l’indice d’intensité, mais les séances vidéo mettent encore en évidence un déficit de permutations rapides entre les lignes. Pour un technicien conscient de la dimension stratégique d’une telle compétition, la marge de progression reste donc le carburant principal du prochain cycle de travail.
Le temps court, l’impératif de l’internat
À la satisfaction partielle a succédé un plaidoyer appuyé du sélectionneur en faveur d’un internat prolongé. « Nous lançons un appel aux responsables pour que nous soyons internés afin de récupérer le temps perdu et de travailler le mental », a-t-il insisté. Dans un calendrier continental dense, l’anticipation logistique devient un déterminant aussi décisif que la qualité intrinsèque des footballeurs. L’appui constant du ministère des Sports et de la Fédération congolaise de football, encouragé par la présidence de la République, illustre la volonté des autorités de doter l’encadrement de conditions optimales, conscientes qu’une sélection performante sert également d’outil d’influence douce sur la scène africaine.
Soudan en premier obstacle, Nigeria et Sénégal en arrière-plan
Le tirage a placé le Congo dans un groupe où l’histoire et la géopolitique du ballon rond s’entremêlent : Soudan, Nigeria et Sénégal. L’objectif affiché est clair : remporter le premier match face à un adversaire décrit comme « bien structuré, doté de grands joueurs ». Dans la rhétorique des compétitions à format court, le premier succès vaut catalyseur psychologique et relâche la pression qui précède souvent les joutes face aux géants occidentaux du continent. La direction technique sait qu’une victoire initiale rééquilibrerait la perception internationale d’un onze congolais qui n’entend plus camper dans un rôle d’outsider.
Sport, cohésion sociale et soft power présidentiel
Au-delà du rectangle vert, la préparation des Diables rouges s’inscrit dans une stratégie plus vaste de consolidation de la cohésion sociale et de projection du prestige national. Depuis plusieurs années, le président Denis Sassou Nguesso souligne l’importance du sport comme vecteur d’intégration des jeunesses urbaines et rurales, amplificateur de l’identité congolaise et levier diplomatique lors des grands forums africains. À court terme, un parcours probant au CHAN renforcera la crédibilité des politiques publiques investies dans les infrastructures de proximité, de Kintélé à Pointe-Noire, tout en valorisant un vivier local auquel les académies privées accordent désormais une attention croissante.
De l’offensive tactique à l’offensive d’image
Dans la conjoncture actuelle, marquée par une compétition accrue entre États africains pour l’accueil de grands événements sportifs, le Congo-Brazzaville mise sur la performance de sa sélection A’ pour illustrer sa capacité organisationnelle et la qualité de son encadrement technique. Les Diables rouges, fraîchement revenus d’Ignié, basculent à présent dans une phase de micro-ajustements. Les oppositions programmées contre des sélections régionales permettront non seulement d’affiner les automatismes, mais aussi de tester la solidité mentale sur laquelle Barthélemy Ngatsono fonde une part de son pari. À mesure que l’échéance approche, la frontière entre préparation sportive et diplomatie publique se fait plus fine : une percée dans la compétition offrirait à Brazzaville un capital symbolique que ne renie aucune chancellerie.
Ultimes réglages et horizon continental
Il reste une poignée de semaines pour transformer les intentions en certitudes. Sur le terrain, l’internationalisation graduelle des systèmes de jeu, inspirée des modèles sud-américains privilégiant la percussion latérale, devrait cohabiter avec les particularités physiques d’une génération congolaise réputée athlétique. Hors du terrain, l’implication concertée des institutions vise à garantir le confort logistique, la mobilisation des supporters et l’organisation d’un déplacement sécurisé dans le pays hôte. Les signaux concordants invitent à l’optimisme prudent : si l’alignement entre volonté politique, compétence technique et résilience des joueurs se prolonge, les Diables rouges pourraient convertir leur dynamique actuelle en résultat probant sur la scène continentale, consolidant ainsi le récit d’un Congo qui avance, confiant dans ses atouts et ouvert aux partenariats que suscite un soft power sportif affirmé.