Une préparation contrariée mais résiliente
Le Championnat d’Afrique des nations, compétition réservée aux footballeurs évoluant dans leurs championnats locaux, constitue depuis sa création un révélateur de la profondeur des effectifs nationaux. Pour l’édition 2024, programmée du 2 au 30 août au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie, le Congo-Brazzaville a dû composer avec une conjoncture internationale peu propice aux déplacements. L’annulation des rencontres amicales face aux Léopards de la République démocratique du Congo et la non-participation aux tournois d’Arusha et de Douala, en raison notamment de difficultés de transport confirmées par la Fédération congolaise de football (Fécofoot), auraient pu fragiliser la cohésion du groupe. Il n’en a rien été. Le sélectionneur Barthelémy Ngatsono a privilégié une méthode patiente, misant sur l’intensité des entraînements internes et la connaissance mutuelle des joueurs issus pour l’essentiel du championnat national.
Les joutes locales comme laboratoire tactique
À défaut d’adversaires continentaux, les Diables rouges A’ ont multiplié les oppositions avec les clubs les plus compétitifs de la Ligue 1, un choix défendu par le staff comme « la meilleure garantie pour préserver le rythme ». Après un nul inaugural face à l’AS Vegas, la sélection a trouvé ses repères offensifs lors de la double confrontation victorieuse contre le FC Racine. Le point culminant de cette série s’est matérialisé le 25 juillet au stade Alphonse-Massamba-Débat, théâtre d’un large succès 4-0 face à l’AS Otohô, vice-champion national et qualifié pour la Coupe de la Confédération. Au-delà du doublé de Japhet Mankou, la prestation collective a validé les ajustements de Ngatsono : pressing haut, transitions rapides et confiance élargie à la jeune garde.
Enjeux géopolitiques d’une participation régionale
Dans la sous-région, le Chan reste une vitrine diplomatique autant qu’un rendez-vous sportif. Le déplacement du Congo vers un format triangulaire Kenya-Ouganda-Tanzanie revêt une dimension symbolique, le pays s’inscrivant dans la dynamique de coopération promue par la Communauté d’Afrique de l’Est. Les autorités sportives congolaises, soutenues par le ministère des Sports, entendent mettre à profit cette tribune pour valoriser la stabilité institutionnelle et la capacité d’organisation nationale. En coulisses, Brazzaville veille aussi à renforcer ses réseaux, les dirigeants des fédérations voisines voyant dans le football un canal discret de dialogue, parfois plus efficace que les forums protocolaires.
Le défi logistique au cœur du sport continental
L’épisode des titres de transport manquants rappelle qu’en Afrique centrale la performance sportive reste indissociable d’une logistique fiable. La mobilisation de partenaires publics et privés a permis d’acter le départ vers Zanzibar le 1ᵉʳ août, soit quatre jours avant l’entrée en lice face au Soudan. Cette fenêtre réduite impose une acclimatation accélérée aux conditions insulaires, mais le staff médical se veut rassurant, soulignant la préparation physique spécifique menée sous la chaleur brazzavilloise. Sur le plan institutionnel, l’effort consenti illustre la volonté des pouvoirs publics de promouvoir la diplomatie sportive comme vecteur d’attractivité et d’unité nationale.
Le groupe B, baromètre de l’ambition congolaise
Logés dans un groupe relevé aux côtés du Soudan, du Sénégal et du Nigeria, les Diables rouges A’ affrontent un triple test d’avenir. L’ouverture face aux Crocodiles du Nil, réputés pour leur discipline tactique, donnera la mesure de la progression collective. Le 12 août, l’opposition contre un Sénégal champion d’Afrique seniors en 2022 s’annonce stratégique, la sélection de Ngatsono pouvant capitaliser sur la ferveur diasporique congolaise à Zanzibar. Enfin, le choc du 19 août face au Nigeria, habitué des joutes continentales, déterminera sans doute la hiérarchie finale. Les techniciens nationaux voient dans ce calendrier une occasion de franchir un palier mental, arguant que « l’adversité forge la maturité ».
Perspective stratégique au-delà du tournoi
Quelle que soit l’issue du Chan, la fédération veut transformer l’expérience en levier de professionnalisation. Les séances d’analyse vidéo introduites dans le stage, la mutualisation des données biométriques et l’accompagnement psychologique constituent autant d’innovations applicables au championnat local. À moyen terme, l’objectif est de consolider un vivier éligible aux qualifications de la CAN 2025, tout en renforçant le soft power congolais. La participation à Zanzibar, épicentre touristique et carrefour maritime, offre déjà un éclairage positif sur la modernisation des pratiques sportives encouragée par les autorités de Brazzaville.
Un optimisme mesuré avant le grand départ
À l’heure d’embarquer, le discours officiel reste empreint de réalisme. « Nous savons ce que nous avons dans le ventre », glisse Barthelémy Ngatsono, saluant le soutien constant des instances nationales. Confiance sans triomphalisme : tel semble être le leitmotiv des Diables rouges A’. Au-delà du résultat brut, l’enjeu consiste à consolider l’image d’une nation capable de tirer le meilleur de ses ressources internes, de surmonter les aléas logistiques et de dialoguer avec ses voisins par le prisme du ballon rond. C’est dans cette alliance du sport et de la diplomatie que Brazzaville entend, calmement mais résolument, faire la démonstration de sa vitalité.