Nomination de Rik De Buyserie et continuité managériale
Le groupe ENGIE a officialisé, par un communiqué daté du 2 juillet, la nomination de Rik De Buyserie au poste de directeur général pour l’Afrique du Nord. Ce successeur de Loïc Jaegert-Huber arrive précédé d’une solide réputation forgée durant trois décennies de carrière au sein du géant énergétique français. L’annonce s’inscrit dans le droit fil d’une politique qui mise sur la stabilité des équipes dirigeantes pour conforter une feuille de route déjà bien balisée en matière de croissance verte.
Âgé de 55 ans, le dirigeant belge est décrit en interne comme un architecte de la transformation qui conjugue connaissance fine des marchés émergents et exigence opérationnelle héritée de ses passages en Australie, en Amérique latine et plus récemment à la tête du portefeuille africain et asiatique. Sa prise de fonctions intervient à un moment charnière, marqué par la cristallisation des enjeux énergétiques sur les rives sud de la Méditerranée.
Casablanca, un hub énergétique en plein essor
Installé au sein du siège régional de Casablanca, Rik De Buyserie bénéficie d’un ancrage qui ne doit rien au hasard. La métropole marocaine est devenue, au fil des dernières années, l’un des carrefours privilégiés des investisseurs soucieux de conjuguer accès aux marchés du Maghreb et proximité logistique avec l’Europe. ENGIE entend capitaliser sur cette centralité pour opérer un pilotage transversal de ses actifs et détecter de nouvelles opportunités de croissance.
Le choix de Casablanca dépasse la symbolique. Il traduit une volonté d’être au plus près de l’écosystème local, des régulateurs et des partenaires industriels. Aux yeux des chancelleries européennes, la ville constitue en outre un poste d’observation stratégique pour appréhender les dynamiques régionales, qu’il s’agisse de la montée en puissance de l’hydrogène vert ou de l’interconnexion des réseaux électriques transcontinentaux.
Des ambitions d’investissement durable alignées sur les priorités régionales
Dans sa première déclaration publique, le nouveau directeur général a souligné que « l’ambition est claire : déployer des solutions durables, alignées sur les priorités locales et globales du Groupe ». Une formule qui fait écho aux objectifs fixés par ENGIE à l’échelle mondiale : atteindre la neutralité carbone d’ici 2045 et porter la capacité renouvelable installée à 80 GW en 2030. L’Afrique du Nord occupe, dans cette trajectoire, un rôle de laboratoire grandeur nature tant les conditions d’ensoleillement et de vent y sont propices aux technologies solaire et éolienne.
ENGIE évoque déjà un portefeuille de projets totalisant plus de 2 GW en développement ou en négociation avancée dans la région, répartis entre le Maroc, l’Égypte et la Tunisie. Ces initiatives, souvent montées en partenariat public-privé, s’inscrivent dans le cadre des stratégies nationales qui visent à porter la part des énergies renouvelables à 52 % du mix marocain à l’horizon 2030 ou à accompagner le plan hydraulique ambitieux égyptien autour du canal de Suez.
Le défi diplomatique de la transition énergétique
Au-delà des considérations strictement industrielles, la mission de Rik De Buyserie comporte une dimension diplomatique. Il s’agit d’articuler les attentes, parfois divergentes, des États hôtes, des bailleurs multilatéraux et des investisseurs privés. Les discussions récentes autour du raccordement électrique Maroc-Royaume-Uni, projet auquel ENGIE n’exclut pas de participer, illustrent la complexité de ce jeu à plusieurs bandes où se mêlent souveraineté énergétique et impératif de rentabilité.
La récente hausse des prix mondiaux du gaz, combinée à la volonté européenne de diversifier ses approvisionnements, confère à l’Afrique du Nord une stature nouvelle. Dans ce contexte, le nouveau directeur général devra arbitrer entre exportation de molécules vertes vers l’Europe et satisfaction de la demande domestique, qui demeure en pleine croissance sous l’effet de l’industrialisation et de l’urbanisation accélérées.
Un leadership façonné par la psychologue industrielle
Diplômé en psychologie industrielle et organisationnelle de l’université de Gand, Rik De Buyserie revendique une approche managériale centrée sur les dynamiques humaines au sein de l’entreprise. Les observateurs notent que cette expertise lui a permis de piloter des plans de transformation complexes en Nouvelle-Zélande comme au Pérou, sans sacrifier la cohésion des équipes. L’INSEAD, qu’il a fréquenté dans le cadre d’un programme de management général, a consolidé cette réputation d’orchestrateur capable d’aligner les cultures d’entreprise sur des objectifs financiers et climatiques exigeants.
Le nouveau patron a d’ores et déjà annoncé l’ouverture de dialogues réguliers avec les autorités énergétiques maghrébines et les centres de recherche locaux, convaincu que l’innovation frugale, adaptée aux réalités socio-économiques, est la condition sine qua non d’une transition juste et inclusive.
Perspectives régionales et impact macroéconomique
À moyen terme, ENGIE table sur une contribution significative de ses projets nord-africains à son chiffre d’affaires global. Les retombées potentielles pour les économies locales se mesurent en milliers d’emplois directs et indirects, mais également en transferts de compétences vers une main-d’œuvre jeune et qualifiée. Les autorités marocaines comme égyptiennes multiplient d’ailleurs les incitations fiscales et réglementaires pour accélérer la maturation des projets et sécuriser les financements.
Rik De Buyserie devra néanmoins composer avec une conjoncture mondiale mouvante. Les contraintes logistiques post-pandémiques, la volatilité des taux d’intérêt et la concurrence asiatique sur les équipements photovoltaïques imposent une vigilance budgétaire permanente. À cet égard, l’expérience accumulée en Amérique latine, où il a piloté la filiale cotée ENGIE Energia Perú, pourrait s’avérer précieuse pour optimiser les coûts sans compromettre l’ambition environnementale.
Une feuille de route placée sous le sceau de la résilience
En confiant la barre d’ENGIE Afrique du Nord à Rik De Buyserie, le groupe français valide une stratégie d’expansion qui marie prudence financière et audace technologique. Dans un environnement géopolitique parfois instable, la résilience organisationnelle apparaît comme la clé de voûte de la réussite. Les enjeux, qu’ils soient climatiques, économiques ou sociaux, renvoient à une même exigence : faire de la transition énergétique un vecteur de prospérité partagée.
Les premiers mois du nouveau directeur général seront scrutés de près, tant par les diplomaties occidentales que par les décideurs africains, impatients de jauger la capacité d’ENGIE à honorer ses engagements. Pour l’heure, la nomination de ce vétéran rompu aux contextes interculturels offre au groupe un avantage comparatif non négligeable : la maîtrise des défis humains, trop souvent relégués au second plan dans les révolutions industrielles.