Un reclassement salué par les institutions financières internationales
Annoncé le 1ᵉʳ juillet 2025, le passage du Cap-Vert dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, selon les barèmes actualisés de la Banque mondiale (Banque mondiale 2025), constitue un signal fort pour l’ensemble de la façade atlantique africaine. Avec 4 700 dollars de RNB par habitant, l’archipel dépasse désormais le seuil symbolique qui, jusqu’ici, le maintenait parmi les économies de transition. À Praia, le ministre des Finances Olavo Correia a salué « une reconnaissance concrète de la résilience capverdienne face aux chocs exogènes », rappelant que le pays avait vu son PIB se contracter de plus de 14 % au plus fort de la crise sanitaire.
Les ressorts d’une trajectoire macroéconomique ascendante
La nouvelle dynamique trouve ses racines dans une combinaison de réformes budgétaires, de diversification sectorielle et d’un engagement historique envers la bonne gouvernance. Depuis 2016, la règle d’or limitant le déficit primaire et la rationalisation du portefeuille d’entreprises publiques ont permis de réduire la dette à 115 % du PIB, contre 127 % cinq ans plus tôt. En parallèle, l’introduction d’obligations bleues libellées en escudo capverdien a offert aux investisseurs institutionnels un instrument aligné sur les objectifs de développement durable, tout en finançant les infrastructures maritimes indispensables au commerce régional.
Tourisme revivifié, diaspora mobilisée : le double moteur de la reprise
Pour un archipel dont l’hinterland est l’océan, la vitalité touristique reste cardinale. Les arrivées internationales ont bondi de 42 % en 2024, portées par un repositionnement marketing vers l’écotourisme et les séjours de télé-travailleurs transatlantiques. Cette embellie, conjuguée à l’essor des transferts de la diaspora – 18 % du PIB en 2024 selon la Banque centrale –, a réinjecté des devises dans un système bancaire assaini. L’accord de ciel ouvert conclu avec le Portugal en mars 2023, révisé pour inclure les transporteurs low-cost, a élargi la desserte insulaire sans compromettre la surveillance environnementale des flux aériens.
Défis de soutenabilité budgétaire et vulnérabilité climatique persistante
Cette ascension n’annule pas les fragilités structurelles. L’étroitesse du marché intérieur, la dépendance aux importations alimentaires et la rareté des ressources hydriques composent un triptyque de risques que la Banque africaine de développement juge « significatif ». Le gouvernement vise néanmoins à contenir le déficit courant sous la barre des 8 % du PIB en misant sur le dessalement solaire et la montée en gamme des exportations de services numériques. Sur le plan climatique, la hausse du niveau marin pourrait coûter jusqu’à 2,5 % du PIB annuel à l’horizon 2050, si les protections côtières ne sont pas renforcées, selon l’Agence métrologique capverdienne.
Répercussions régionales : un signal encourageant de Praia à Brazzaville
La promotion du Cap-Vert offre un précédent qui résonne au-delà de la zone lusophone. À Brazzaville, des hauts responsables voient dans ce succès la démonstration qu’une taille démographique réduite n’est pas un obstacle à la convergence vers les standards intermédiaires supérieurs, pourvu que la gouvernance budgétaire reste rigoureuse et que les investissements ciblent l’économie réelle. Le ministre congolais du Plan a rappelé, lors d’un forum CEEAC en mai 2025, que « la stabilité politique et la continuité des réformes constituent le socle de toute percée macroéconomique », un propos qui, sans citer le Cap-Vert, en reprend la quintessence.
Vers un nouveau contrat social insulaire
Le changement de statut invite enfin à une réflexion sur la redistribution. Le Premier ministre Ulisses Correia e Silva a indiqué que l’État investirait 1 % supplémentaire du PIB dans la formation professionnelle, afin d’éviter que le relèvement des indicateurs macro se traduise par une simple amélioration statistique. Dans un pays où la pauvreté multidimensionnelle affecte encore un habitant sur quatre, la croissance inclusive devient l’axe stratégique de la décennie. L’enjeu, pour Praia, est d’éviter le « piège du revenu intermédiaire » en poursuivant l’industrialisation légère et en consolidant les partenariats public-privé dans l’économie bleue.
À l’heure où l’Afrique centrale multiplie les initiatives de diversification, le parcours capverdien confirme que l’alignement de la discipline fiscale, de l’ouverture commerciale et de la stabilité politique peut provoquer un effet de levier significatif. Cette leçon, tout diplomate en poste à Kinshasa ou à Brazzaville la retiendra : la géographie est une donnée, la trajectoire une décision.