Des origines fondatrices
Imaginée en 1956 lors d’une réunion de dirigeants africains à Lisbonne, la Coupe d’Afrique des Nations voit officiellement le jour un an plus tard. Trois sélections — Égypte, Soudan et Éthiopie — se retrouvent à Khartoum en 1957, et les Pharaons décrochent le premier trophée continental.
Au cœur des indépendances naissantes, le tournoi devient rapidement un symbole d’affirmation politique. Chaque drapeau hissé, chaque hymne chanté sur la pelouse renforce alors le sentiment d’unité panafricaine, bien au-delà de la simple rivalité sportive, et offre à la jeunesse une vitrine moderne de son émancipation.
Premier élargissement continental
En 1963, le Ghana accueille une édition à six équipes, preuve que la compétition attire déjà au-delà de son cercle fondateur. Les Black Stars s’imposent à domicile et glanent un premier titre, ouvrant la voie à l’agrandissement progressif du plateau et à l’explosion de nouvelles rivalités.
Le tournant arrive en 1968, en Éthiopie : la CAN adopte un rythme biennal et un format à huit, garantissant plus de matchs, donc plus d’histoires. Cette décision fixe un cadre régulier qui, jusqu’aux années 1990, permettra d’installer la compétition dans le calendrier mondial du football.
La révolution médiatique survient en 1970 : l’édition organisée au Soudan est la première retransmise à la télévision. Les images des grands ponts et des filets qui tremblent traversent alors le Sahara et atteignent les salons de Brazzaville ou de Pointe-Noire, transformant les joueurs en véritables vedettes africaines.
Records individuels inoubliables
Sur le plan individuel, Samuel Eto’o règne toujours en maître. Ses dix-huit buts inscrits entre 2000 et 2010, ponctués de deux titres camerounais, font de l’attaquant un cannibale des surfaces dont le ratio approche les deux réalisations tous les trois matchs, un exploit devenu référence statistique.
Un quart de siècle plus tôt, l’Ivoirien Laurent Pokou avait pourtant placé la barre très haut. Auteur de quatorze buts en seulement douze rencontres, dont le célèbre quintuplé face à l’Éthiopie en 1970, il conserve un taux de réussite supérieur à un but par match, rareté absolue aujourd’hui.
D’autres noms complètent ce panthéon : Pierre Ndaye Mulamba et ses neuf buts en 1974, Essam El-Hadary toujours invincible à quarante-quatre ans, ou encore le duo égyptien Ahmed Hassan–El-Hadary, quadruples vainqueurs. Chacun rappelle que la longévité et l’efficacité constituent deux vertus cardinales du rendez-vous continental.
Dynasties nationales et palmarès
Côté palmarès collectifs, l’Égypte reste la référence avec sept sacres, dont la trilogie 2006-2008-2010 jamais imitée. Derrière, le Cameroun, le Ghana et le Nigeria alimentent une course honorable, tandis que la Côte d’Ivoire s’est forgé la réputation d’experte des scénarios à suspense, souvent bouclés aux tirs au but.
Le Ghana détient encore le record rare de quatre finales consécutives entre 1963 et 1970, période où la sélection ouest-africaine semblait jouer chaque édition au minimum pour la médaille d’argent. Une régularité que seule l’Égypte, invaincue pendant dix-neuf matchs, a pu vraiment contester dans l’histoire longue du tournoi.
L’élargissement à seize équipes en 1996, impulsé par l’Afrique du Sud post-apartheid, puis à vingt-quatre en 2019, a offert une ouverture inédite. Chaque village congolais peut désormais rêver de voir un voisin représenter son pays, preuve d’une démocratisation du football de haut niveau.
Finales au suspense insoutenable
Les sensations ne manquent pas : la finale 1992 décrochée par la Côte d’Ivoire après une séance longue de vingt-deux tirs, ou celle de 2006 soldée par un score de douze à onze contre le Cameroun, rappellent que les nerfs comptent autant que les jambes dans ce tournoi.
Autre jalon, l’édition 2000 co-organisée par le Ghana et le Nigeria inaugure la notion de CAN partagée. Sur la pelouse de Lagos, le Cameroun de Rigobert Song terrasse finalement le pays hôte aux tirs au but, injectant une tension dramatique qui amplifie la notoriété télévisuelle de la compétition.
L’épopée congolaise de 1972
Pour le Congo, la page la plus lumineuse reste 1972, année où les Diables Rouges soulèvent le trophée à Yaoundé. Le capitaine Jean-Michel Mbono et ses partenaires offrent alors à Brazzaville une euphorie populaire inoubliable, encore célébrée chaque fois qu’un supporter évoque l’héritage rouge-vert-jaune du football national.
Vers une CAN toujours plus moderne
La CAN demeure également un laboratoire tactique. L’édition 2023, jouée début 2024, bat le record de cent dix-neuf buts, preuve d’un football plus ouvert, porté par des sélectionneurs désormais diplômés en Europe, en Asie ou au Qatar, et par la préparation physique modernisée des joueurs évoluant dans les championnats étrangers.
Le prochain rendez-vous est attendu au Maroc en 2025, avec vingt-quatre nations toutes déjà expérimentées. Derrière les chiffres et les trophées, la CAN reste avant tout l’occasion pour le continent de chanter d’une seule voix. Son histoire raconte celle d’une Afrique qui grandit, dribble, puis marque ensemble.
