La session de Brazzaville consacre une nouvelle dynamique
Dans un amphithéâtre feutré du centre-ville de Brazzaville, dix-neuf des vingt administrateurs que compte la Centrale d’achat des médicaments essentiels et des produits de santé (Cameps) ont, le 26 juillet, dressé un état des lieux franc de la gestion de l’institution. Le ton était à l’évaluation méthodique, mais l’atmosphère n’en demeurait pas moins sereine : gouvernance jugée satisfaisante, comptes certifiés sans réserve et quitus accordé au directoire pour l’exercice 2024. « Nous avons voulu aller au-delà des chiffres pour juger de la solidité des processus », confie, à l’issue des travaux, un haut cadre du ministère de la Santé ayant requis l’anonymat.
Une feuille de route conforme aux ambitions nationales
Le satisfecit attribué par le Conseil d’administration ne doit rien au hasard. Depuis trois ans, la Cameps a inscrit ses actions dans la stratégie gouvernementale qui vise à garantir un accès équitable aux médicaments essentiels. Dans le Plan national de développement 2022-2026, la chaîne d’approvisionnement pharmaceutique figure en bonne place parmi les priorités du président Denis Sassou Nguesso, considéré par nombre d’observateurs comme l’artisan d’une consolidation graduelle du système de santé. La direction générale de la Cameps, désormais pilotée par un collège de gestionnaires et de pharmaciens, s’est attachée à décliner une feuille de route qui réconcilie impératifs de performance et responsabilité sociale.
Des procédures normalisées pour sécuriser l’approvisionnement
Point d’orgue de la session de juillet : la présentation d’un manuel de procédures administratives, financières et comptables, premier document de ce type validé au sein de l’établissement public. Conçu avec l’appui technique de la Banque mondiale et de l’Organisation ouest-africaine de la santé, le référentiel encadre le cycle d’achat, de la planification des besoins à la distribution aux formations sanitaires. Selon Ange Antoine Abéna, président du Conseil d’administration, « cet outil garantit la traçabilité de chaque commande et renforce la crédibilité de la Cameps auprès des bailleurs internationaux ». À terme, le manuel devrait permettre d’accélérer le temps de réponse en cas d’urgence épidémiologique, enjeu crucial dans une sous-région confrontée à des flambées récurrentes de fièvre jaune ou de rougeole.
Transparence financière et confiance des partenaires
Les administrateurs ont également approuvé le rapport du commissariat aux comptes, lequel souligne une amélioration notable des indicateurs de performance. Les frais généraux ont été contenus sous le seuil de dix pour cent du budget global, tandis que le taux de recouvrement des créances hospitalières a progressé de quinze points en deux ans. Ces éléments comptables nourrissent la confiance d’acteurs clés comme le Fonds des Nations unies pour l’enfance et le Programme des Nations unies pour le développement, qui recourent désormais plus systématiquement au canal Cameps pour leurs approvisionnements. « La bonne gouvernance n’est pas une posture ; elle se mesure à la capacité d’attirer des partenaires exigeants », note un expert en santé publique basé à Dakar.
Les défis persistants du marché pharmaceutique régional
Malgré ces avancées, le marché pharmaceutique d’Afrique centrale reste soumis aux aléas des chaînes logistiques mondiales. La dépendance vis-à-vis des importations asiatiques expose les prix à une volatilité que la Cameps peine encore à absorber totalement. La direction générale envisage de mutualiser certaines commandes avec ses homologues d’Afrique de l’Ouest afin de bénéficier de volumes plus compétitifs. Par ailleurs, la montée des trafics illicites de médicaments de contrefaçon constitue une menace pour la santé publique, mais également pour l’équilibre financier de l’établissement. Une cellule de veille pharmaco-vigilante, inspirée du modèle rwandais, devrait voir le jour d’ici à la fin de l’année pour renforcer la surveillance du réseau de distribution.
Perspectives d’intégration au Plan Santé 2025
À l’horizon 2025, la Cameps aspire à devenir le pivot logistique du futur Centre national de distribution des produits de santé, projet inscrit dans la vision présidentielle d’un Congo-Brazzaville « exportateur de services médicaux ». Cette ambition suppose un maillage numérique accru, la généralisation des appels d’offres dématérialisés et l’adoption de normes de qualité reconnues par l’Organisation mondiale de la santé. Les administrateurs, tout en félicitant le directoire, ont exhorté celui-ci à maintenir le cap sur la modernisation et à poursuivre la capitalisation des bonnes pratiques. Dans un contexte marqué par la quête d’autonomie pharmaceutique du continent, l’expérience de la Cameps pourrait servir de modèle régional et contribuer, à terme, à réduire la fracture d’accès aux médicaments essentiels.
Maintien du cap et responsabilité partagée
La clôture des travaux, ponctuée des remerciements d’Ange Antoine Abéna au personnel, ne saurait masquer la vigilance qui demeure de mise. Responsables politiques, bailleurs et société civile convergent sur un point : la durabilité des progrès dépendra de la qualité du dialogue permanent entre la Cameps et le réseau national des formations sanitaires. L’équation est claire : plus la gouvernance sera inclusive et transparente, plus les résultats bénéficieront aux populations. Pour l’heure, la mue silencieuse de la Cameps illustre la capacité des institutions congolaises à internaliser les standards internationaux tout en conservant la maîtrise de leurs priorités souveraines.