Une adjudication surchargée qui conforte la signature burkinabè
Au soir du 2 juillet 2025, la salle des marchés de l’Agence UMOA-Titres a confirmé la vitalité de l’appétit des investisseurs pour les valeurs du Trésor burkinabè. Sollicitant initialement trente-cinq milliards de francs CFA, Ouagadougou a reçu près de quarante-et-un milliards de souscriptions, soit un taux de couverture de 116,84 %. Après sélection des offres les plus compétitives, le montant retenu s’est fixé à 38,499 milliards, traduisant un taux d’absorption supérieur à 94 %. Pour les autorités burkinabè, cette sollicitation réussie vient alimenter un programme de financement intérieur appelé à compenser le reflux relatif de l’aide budgétaire extérieure.
Derrière la performance commerciale, le rappel du prix du risque
Le succès chiffré ne doit cependant pas occulter la dimension qualitative des rendements consentis. Le bon assimilable du Trésor à trois-cent-soixante-quatre jours, instrument de court terme par excellence, a été adjugé au rendement moyen de 9,35 %. Sur les maturités plus longues, les obligations à trois, cinq et sept ans affichent respectivement 7,23 %, 8,48 % et 8,34 %. Ces niveaux se situent sensiblement au-dessus des coupons faciaux de 6 % à 6,40 %, matérialisant une décote immédiate et la prime de risque associée à la notation spéculative du pays. « La courbe burkinabè reste pentue, mais elle s’aplatit légèrement, signe que les investisseurs estiment la trajectoire budgétaire davantage prévisible », observe un gérant basé à Abidjan.
Conjoncture sécuritaire et discipline budgétaire au cœur des interrogations
Les rendements reflètent aussi la persistance des défis sécuritaires qui pèsent sur la moitié nord du territoire. Le déplacement de près de deux millions de personnes et la mobilisation accrue des forces de défense grèvent le budget courant. Néanmoins, l’exécutif a maintenu en 2024 un déficit effectif contenu à 4,7 % du PIB, inférieur aux 6 % initially annoncés, grâce à une hausse inattendue des recettes minières. Pour les analystes, cet effort de consolidation envoie un signal rassurant aux souscripteurs, malgré un environnement où la volatilité géopolitique demeure le principal aléa.
L’effet d’entraînement du marché financier régional de l’UEMOA
À l’échelle de l’Union monétaire ouest-africaine, le placement burkinabè intervient dans une séquence de reprise de l’activité primaire, après un premier semestre marqué par une offre abondante de titres sénégalais et ivoiriens. La liquidité excédentaire des banques de la zone, estimée à plus de 5 000 milliards FCFA par la Banque centrale, favorise un recyclage vers la dette souveraine régionale. Dans ce contexte, la stabilité du franc CFA et l’adossement à la Banque de France continuent de conférer une rare visibilité de change, même si la BCEAO a relevé à 4 % son principal taux directeur pour contenir une inflation importée par la crise énergétique mondiale.
Perspectives : vers un rééquilibrage des maturités et un agenda ESG
Selon le ministère burkinabè de l’Économie, la stratégie d’endettement privilégiera désormais les maturités de cinq à dix ans afin de lisser le profil de remboursement. Des discussions exploratoires seraient également engagées avec l’AFD et la Banque africaine de développement pour structurer, d’ici à 2026, un premier instrument adossé à des critères environnementaux et sociaux, inspiré des obligations durables émises par le Bénin. Pour un diplomate européen en poste à Ouagadougou, « la faculté du gouvernement à agréger des financements verts sans pénaliser son coût de la dette servira de test à la crédibilité de son agenda de transformation ».
Une fenêtre d’opportunité fragile mais exploitable
La réussite de l’adjudication du 2 juillet confirme que l’Union monétaire ouest-africaine demeure un canal fiable pour les États enclavés tels que le Burkina Faso. Elle rappelle en filigrane que la dette locale, malgré un coût supérieur à la moyenne de la zone, reste moins onéreuse qu’un recours exclusif aux marchés internationaux en devises. Dans un environnement où la Fed et la BCE maintiennent des taux élevés, les émetteurs africains voient leur marge de manœuvre se resserrer. Savoir capitaliser sur la profondeur encore limitée, mais résiliente, du marché régional constitue donc un enjeu stratégique pour Ouagadougou, à condition de poursuivre l’assainissement budgétaire et de sécuriser durablement le territoire.