Brazzaville accueille la 44e session de l’UEAC
Brazzaville a servi de cadre, la semaine dernière, à la 44e session ordinaire du Conseil des ministres de l’Union économique de l’Afrique centrale. Les délégations des six États membres de la Cémac y ont affiché un front commun pour booster l’intégration sous-régionale.
Au menu des discussions, l’adoption du budget communautaire 2026, la gouvernance financière et le suivi des grands projets, avec un mot d’ordre : concrétiser sur le terrain les ambitions du traité de 1994, réputé pour avoir lancé la libre circulation dans la zone.
Un budget 2026 en légère hausse
Les ministres ont validé un enveloppe de 85,92 milliards FCFA, soit une progression de 2,42 % par rapport à 2025. Cette hausse modérée est présentée comme un signal de prudence, alors que l’environnement économique mondial demeure incertain.
Le budget 2026 s’articule autour de deux masses : 67,47 milliards pour le fonctionnement des institutions et 18,45 milliards destinés au Fonds de développement de la communauté, future locomotive des investissements structurants dans les routes, les télécoms et l’énergie.
Priorité au Fonds de développement de la communauté
En séance plénière, le président de la Commission, Baltasar Engonga Edjo’o, a rappelé que le Fodec doit évoluer « vers un véritable fonds d’investissement capable de lever des ressources additionnelles auprès des bailleurs ». Son objectif : rendre visibles les bénéfices de l’intégration pour les citoyens.
Les responsables financiers ont été chargés d’élaborer, avant mars 2025, une feuille de route précisant les critères d’éligibilité des projets, la gouvernance du fonds et les mécanismes de suivi-évaluation, afin d’attirer plus aisément les capitaux privés régionaux.
Discipline fiscale autour de la TCI
Malgré la hausse du budget, la Taxe communautaire d’intégration, principale source de revenus, affiche toujours des retards de reversement. « Une discipline accrue des États est indispensable pour sécuriser les ressources », a insisté M. Engonga Edjo’o devant ses homologues.
Selon la Commission, le taux moyen de recouvrement n’atteint que 72 %. Plusieurs capitales ont promis de régulariser leur quote-part avant décembre, afin d’éviter les goulots d’étranglement qui avaient freiné certains chantiers routiers en 2024.
Gouvernance renforcée par un audit communautaire
Pour rassurer les partenaires, les ministres ont entériné la création d’un comité de l’audit communautaire. La République gabonaise doit soumettre, d’ici trois mois, la structure de cet organe chargé de suivre l’exécution des recommandations internes et externes.
Des manuels de procédures financière et administrative seront également finalisés. L’objectif est d’harmoniser les pratiques des institutions régionales, souvent hétérogènes, et de réduire les délais de passation de marchés qui peuvent dépasser douze mois, selon un rapport interne consulté par les ministres.
Voix de l’hôte congolaise
Président du Conseil des ministres et ministre congolais de l’Économie, Ludovic Ngatsé a salué « un esprit de concertation remarquable ». Devant la presse, il a martelé que les décisions ne valent que par « l’impact concret dans les quartiers populaires et les zones rurales ».
Le responsable a invité le secteur privé, les organisations de jeunesse et la société civile à se mobiliser, rappelant que la Cémac représente un marché de 55 millions d’habitants, atout majeur pour attirer les investisseurs et créer des emplois dans les filières industrielles émergentes.
Surveillance macroéconomique et perspectives
Le Conseil a pris acte du rapport de surveillance multilatérale 2024. Les chiffres montrent une reprise progressive : croissance moyenne estimée à 3,4 % en 2024, inflation contenue à 4,1 % et déficit public consolidé sous la barre des 3 %.
Dans les perspectives 2025-2026, l’accent est mis sur la diversification des économies et l’accélération de la Zone de libre-échange continentale. Les ministres ont validé un calendrier de missions de terrain pour évaluer les réformes, pays par pays, dès le premier trimestre 2025.
Dossier Free Roaming, enjeu de connectivité
Autre sujet phare, le projet Free Roaming doit permettre d’appeler à coût local dans toute la sous-région. Les équipes techniques ont reçu mandat d’harmoniser les cadres réglementaires, encore disparates, et de régler la question des interconnexions d’ici fin 2025.
Concrètement, les opérateurs télécoms devront adapter leurs systèmes de facturation et signer de nouveaux accords commerciaux. Le secrétaire permanent des Postes et Télécommunications a assuré que « les tests pilotes menés au Gabon sont encourageants », tout en soulignant des défis de cybersécurité.
Ce qu’il faut retenir pour les populations
Pour le citoyen lambda, l’adoption de ce budget annonce des routes entretenues, une connectivité réduisant la facture téléphonique et des programmes jeunesse mieux financés. Les automobilistes espèrent notamment la finalisation du corridor Bangui-Brazzaville, clé pour fluidifier le transport des marchandises.
Reste à transformer la bonne volonté affichée à Brazzaville en chantiers visibles. Les observateurs rappellent que près de 30 % des engagements pris lors des trois précédentes sessions n’ont pas encore été exécutés, souvent faute de coordination inter-États.
L’adoption du budget 2026 constitue néanmoins un pas concret vers une intégration renforcée. La prochaine session extraordinaire, consacrée aux procédures financières, sera scrutée comme le véritable test de la capacité de la Cémac à traduire ses annonces en résultats.
