Un partenariat historique réaffirmé
Le tête-à-tête organisé au ministère congolais des Finances entre Christian Yoka et l’ambassadrice Anne Marchal a revêtu les atours d’un bilan d’étape qui, en diplomatie, vaut souvent déclaration d’intentions. Plus de soixante ans après la signature des premiers accords de Yaoundé, l’Union européenne et la République du Congo se découvrent, à travers ce dialogue, une constance rare sur la scène internationale. Les deux parties insistent volontiers sur la solidité d’un cadre juridique renouvelé par l’Accord de Cotonou, puis par l’Accord post-Cotonou, gage d’une coopération multiforme que les changements politiques internes n’ont jamais véritablement ébranlée.
Des investissements structurants désenclavants
Au-delà du symbolisme, les chiffres illustrent l’épaisseur de cette relation. Selon les services de l’ambassadrice, plus de 250 millions d’euros d’engagements sont actuellement en phase d’exécution, notamment dans la réhabilitation des corridors routiers Pointe-Noire-Brazzaville et Brazzaville-Ouesso. Ces axes stratégiques sécurisent l’approvisionnement du marché intérieur et soutiennent la zone de libre-échange continentale. Sur le terrain, les techniciens européens travaillent de concert avec l’Agence congolaise des grands travaux afin de concilier objectifs budgétaires et standards internationaux de qualité, option qui rassure les partenaires financiers et réduit le coût du capital pour l’État congolais.
Cap sur la transition numérique et verte
Dans la lignée de la stratégie Global Gateway, Bruxelles entend ériger Brazzaville en hub régional de services dématérialisés. Les échanges de jeudi ont confirmé l’imminence d’une facilité de 45 millions d’euros destinée au maillage de la fibre optique jusqu’aux chefs-lieux de département. Cette infrastructure s’articule avec le programme congolais « Baobab numérique », voulu par le président Denis Sassou Nguesso pour accélérer la diversification économique. Parallèlement, un financement mixte est négocié pour appuyer la cartographie forestière et le renforcement des capacités de surveillance satellitaire, outil indispensable à la lutte contre la déforestation dans le deuxième massif tropical du monde.
La dimension sociale au cœur des priorités
L’entretien a également mis en lumière l’ancrage social de la coopération. En réponse aux attentes exprimées par la société civile, l’UE déploie un fonds de 30 millions d’euros consacré à la formation professionnelle, ciblant prioritairement les métiers de la transition énergétique. Près de 12 000 jeunes devraient bénéficier, d’ici à 2028, de modules certifiants conçus avec l’Institut national de formation et d’enseignement professionnels. Le gouvernement congolais y voit un moyen d’endiguer le chômage urbain tout en amenant les compétences locales à un niveau compatible avec les exigences des investisseurs internationaux.
Vers une implication accrue du secteur privé
La diplomate européenne a martelé le rôle catalyseur du capital privé dans l’équation du développement. L’UE ambitionne de mobiliser, via la Banque européenne d’investissement, quelque 100 millions d’euros de garanties afin de réduire le risque perçu par les entreprises européennes désireuses de s’implanter au Congo. Le ministre Yoka y voit un signal fort adressé aux marchés, dans un contexte où la signature récente du Programme économique et financier 2025-2027 souligne la discipline budgétaire de Brazzaville. Les autorités congolaises misent sur cet effet de levier pour financer les énergies renouvelables, secteur jugé porteur de valeur ajoutée locale.
Une coopération appelée à se renouveler
Le rendez-vous ministériel s’est conclu par l’annonce d’une feuille de route conjointe axée sur la réforme de la fiscalité, la traçabilité du bois et la promotion de l’économie bleue. L’ambassadrice Marchal a salué « la qualité d’écoute et la coordination quotidienne entre équipes », y voyant la garantie d’une mise en œuvre fluide des projets. Pour sa part, le ministre Yoka a rappelé l’engagement du président Sassou Nguesso en faveur d’un dialogue franc avec les partenaires traditionnels, condition sine qua non d’une intégration accélérée du Congo dans les chaînes de valeur régionales. Sous le prisme diplomatique, il s’agit moins de redéfinir l’alliance que de l’adapter à la conjoncture post-pandémique et aux impératifs climatiques, tout en préservant les acquis qui font de l’axe Bruxelles-Brazzaville une relation de confiance éprouvée.