Le Palais des congrès, scène d’une ouverture solennelle
Le 19 juillet 2025, le rideau s’est levé sur la douzième édition du Festival panafricain de musique dans la grande nef du Palais des congrès de Brazzaville. Dans une mise en scène soigneusement orchestrée, les accords d’un orchestre symphonique ont précédé l’arrivée du chef de l’État, Denis Sassou Nguesso, dont la déclaration liminaire a cristallisé les attentes d’un public composé de représentants diplomatiques, d’artistes venus de quatorze pays et de la société civile congolaise. L’ovation prolongée qui a suivi son « Que la fête commence et qu’elle soit belle » a donné le ton d’une semaine où la célébration artistique se veut également instrument de rayonnement géopolitique.
Diplomatie culturelle et soft power congolais
À la tribune, le maire Dieudonné Bantsimba a rappelé que Brazzaville est depuis 1996 la capitale intangible du Fespam, un statut validé en son temps par l’Union africaine. La représentante résidente de l’UNESCO, Fatoumata Barry Marega, a pour sa part salué « une contribution tangible à la consolidation de l’identité panafricaine », tandis que la directrice générale de l’organisation, Audrey Azoulay, a souligné dans un message vidéo la cohérence d’un festival qui conjugue sauvegarde du patrimoine immatériel et dialogue des cultures. Dans un contexte régional parfois traversé de tensions, cette vitrine musicale agit comme un levier de soft power pour le Congo, offrant à la diplomatie congolaise un espace d’influence où la partition artistique résonne avec les priorités d’intégration continentale.
Musique et économie numérique : un tandem stratégique
Le thème retenu cette année, « Musique et enjeux économiques en Afrique à l’ère du numérique », fait écho à la croissance fulgurante du streaming et des plateformes de distribution dématérialisée. Le commissaire général, Hugues Gervais Ondaye, a indiqué que l’industrie musicale africaine pèse désormais plus de trois milliards de dollars, un chiffre appelé à tripler d’ici 2030 selon les estimations de la Banque africaine de développement. Dans les couloirs du Palais, les débats entre producteurs sénégalais, ingénieurs du son maliens et start-up ivoiriennes ont témoigné d’une volonté d’accélérer la monétisation locale des contenus pour limiter l’exode des revenus vers les grandes majors internationales. Le Congo, qui déploie progressivement la fibre optique sur l’ensemble du territoire, ambitionne de devenir un hub régional d’agrégation de catalogues musicaux.
Des retombées mesurables pour l’économie brazzavilloise
Au-delà des lumières de la scène, l’impact socio-économique du Fespam irrigue la capitale. Les services de l’hôtel de ville estiment à près de 15 000 le nombre de visiteurs, générant une hausse de 20 % du taux d’occupation hôtelière. Les restaurateurs du quartier Plateau enregistrent déjà une progression de leur chiffre d’affaires, tandis que les artisans de Poto-Poto écoulent leurs masques et pagnes aux délégations étrangères. Pour la ministre en charge des Industries culturelles, Marie-France Lydie Hélène Pongault, ces indicateurs confirment que « l’économie créative n’est plus un slogan, mais un vecteur de croissance inclusive ». Plusieurs contrats de coproduction auraient été signés en marge du festival, notamment entre un label congolais et une société vénézuélienne spécialisée dans l’afro-latin jazz.
Un ferment d’intégration régionale et un pari sur l’avenir
En clôture de la cérémonie d’ouverture, un chœur de jeunes musiciens congolais et rwandais a exécuté un arrangement polyphonique de « Indépendance Cha Cha », rappelant que la musique a souvent précédé la politique dans la fabrique de l’unité africaine. Si la présence du Venezuela, unique invité non africain, illustre l’élargissement des partenariats Sud-Sud, elle signale également la quête du Congo Brazzaville d’alliances alternatives dans un système international en recomposition. Les représentants de l’Union africaine ont d’ailleurs évoqué la possibilité d’institutionnaliser un réseau permanent des festivals créatifs du continent, avec Brazzaville comme point nodal. À l’heure où la gouvernance mondiale de la culture se redessine, le Fespam s’affirme comme une plateforme stratégique, conjuguant diplomatie, économie et identité. La scène est lancée, les projecteurs brazzavillois demeurent braqués, et la partition africaine, elle, continue de s’écrire en mode majeur.