Brazzaville, gardienne du deuxième poumon de la planète
Surplombant 240 millions d’hectares de forêts tropicales, le Congo occupe une place stratégique dans la stabilisation du climat mondial. Les archives montrent qu’en 1981, le président Denis Sassou Nguesso inaugurait déjà la Journée nationale de l’arbre, posant les jalons d’une politique environnementale inscrite dans la durée. Quarante-trois ans plus tard, la continuité de cette ligne se traduit par une couverture forestière intacte à plus de 65 % et par un taux de déforestation contenu, salué par plusieurs observateurs onusiens comme « un modèle de résilience forestière en Afrique centrale » (Programme des Nations unies pour l’environnement).
Des outils juridiques consolidés pour la protection forestière
L’évolution du cadre législatif témoigne de la volonté d’ancrer la gestion durable des ressources dans le corpus normatif national. Dès 2003, la création de forêts privées participatives a associé collectivités, ONG et industriels à la surveillance des massifs. Puis, le Plan national de développement 2018-2022 a introduit des indicateurs précis de réduction des émissions, adossés à un mécanisme de certification carbone. Au ministère de l’Environnement, Arlette Soudan-Nonault résume la philosophie de l’exécutif : « Préserver nos forêts revient à protéger notre souveraineté. » Cet arrimage juridique rassure les bailleurs internationaux et crédibilise la diplomatie verte congolaise.
Une diplomatie climat portée par des coalitions inédites
Le Sommet des trois bassins d’octobre 2023, convoqué à Brazzaville, a fait converger les voix de l’Amazonie, du Congo et du Bornéo-Mékong autour d’un agenda commun : mutualiser données satellitaires et financements pour une surveillance renforcée des tropiques. Cette initiative, appuyée par le Brésil, l’Indonésie et la RD Congo, illustre la transition d’un leadership national vers une influence transcontinentale. Françoise Joly, conseillère spéciale du chef de l’État, souligne que « la complémentarité Sud-Sud n’est plus un slogan mais une plateforme opérationnelle ». Les retombées se mesurent déjà : protocoles d’échange scientifique avec Manaus, consortiums de recherche sur les puits de carbone avec Kuala Lumpur, et avancées en matière de diplomatie climatique au G77.
Reboisement et inclusion sociale, deux leviers convergents
Au nord de la capitale, la plaine de Bambou-Mingali s’est transformée en laboratoire grandeur nature. Sur plus de 10 000 hectares, acacias et limba émergent d’anciennes friches, régénérant les sols et diversifiant le revenu des agricultrices regroupées en coopératives. Le projet REDD+, soutenu par la Banque mondiale, rémunère les communautés qui limitent les coupes et valorisent l’agroforesterie. Dans les villages riverains, les écoles relaient ce paradigme : un arbre planté par élève, un carnet scolaire allégé de frais. L’AFD estime qu’entre 2015 et 2023, près de 12 millions de plants ont été mis en terre, un record sous-régional.
Financements innovants et gouvernance verte
La signature d’un accord de 65 millions de dollars avec l’Initiative pour la forêt d’Afrique centrale (CAFI) démontre la solidité du couple reforme-financement. Ces fonds irriguent la cartographie forestière par drones, le renforcement des capacités douanières contre l’exploitation illégale et l’appui aux start-up d’énergie solaire. Parallèlement, le Fonds pour l’environnement mondial débloque un guichet dédié à la conservation du Parc national de Ntokou-Pikounda, sanctuaire des gorilles des plaines occidentales. L’efficience financière reste suivie par un comité national de transparence forestière, tandis que la Banque postale du Congo a lancé, sous l’égide du Trésor, son premier « bon vert » libellé en francs CFA.
La décennie de l’afforestation, tremplin stratégique
La Conférence internationale d’afforestation et de reboisement de juillet 2024, point de départ de la Décennie mondiale d’afforestation proposée à la COP 27, a consacré Brazzaville comme carrefour de la gouvernance climatique. Des délégations de vingt-huit pays y ont adopté la Déclaration de Kintélé, prévoyant un partage des meilleures pratiques et l’objectif de 10 milliards d’arbres plantés d’ici 2034. Lors de la session plénière, le président Sassou Nguesso a rappelé que « la justice climatique ne peut se dissocier de la justice économique », invitant partenaires publics et privés à intégrer le verdissement dans leurs plans d’investissement.
Perspectives géopolitiques d’une ambition verte congolaise
En articulant stabilité institutionnelle, diplomatie proactive et capital naturel, le Congo se forge une image d’État pivot entre les agendas multilatéraux et les réalités du Sud global. La baisse de 50 % de la déforestation depuis 2001, conjuguée au doublement de la capacité hydro-solaire, conforte le pays dans son rôle de créditeur net de carbone. Les chancelleries observent cette trajectoire : Washington y voit un partenaire « clé pour la régulation des flux carbone », tandis que Bruxelles loue une approche « responsable et ouverte » dans les négociations sur la biodiversité post-2020. À l’horizon 2030, la diplomatie chlorophylle de Brazzaville pourrait devenir l’un des piliers de son soft power, croisant sécurité alimentaire, diversification économique et influence normative.