Mobilisation record à Brazzaville
Sous un ciel matinal encore voilé, près de trois cents joggeurs, marcheurs et curieux se sont retrouvés le 26 octobre sur l’allée piétonne de l’hôtel Saphir, répondant à l’appel de l’association multisports Lion d’or.
Objectif affiché : transformer l’énergie sportive en message de prévention contre les cancers du sein et du col de l’utérus, deux maladies qui demeurent parmi les premières causes de mortalité féminine dans le pays.
Parcours sportif sécurisé
Encadrées par des kinésithérapeutes et des agents de la Croix-Rouge, deux boucles distinctes ont été proposées : cinq kilomètres pour les marcheurs, dix pour les coureurs, toutes dessinées le long de la corniche de Brazzaville.
Le départ s’est effectué dans une atmosphère ponctuée de percussions, tandis que des bénévoles distribuaient rubans roses et bleus, rappelant qu’Octobre rose précède Novembre bleu, mois dédié aux cancers masculins.
Voix des participants
José Cyr Ebina, président de Lion d’or, a insisté sur la continuité : « La sensibilisation ne doit pas s’arrêter le 31 octobre. Elle doit se poursuivre chaque jour, dans les quartiers, les écoles, les marchés » a-t-il déclaré, avant de lancer le compte à rebours.
Parmi les participants figure Rodolph Gassaye Mouandza, non-voyant de 34 ans, guidé par son ami sportif. « Si je peux marcher, tout le monde peut se faire dépister », a-t-il lancé, invitant les femmes handicapées à pratiquer l’autopalpation mensuelle.
À l’arrivée, un poste de dépistage mobile proposait gratuitement un examen clinique des seins et un entretien de dix minutes sur les bonnes pratiques alimentaires, tenu par des sages-femmes du Centre national de lutte contre le cancer.
Woman Talk, le séminaire interactif
La veille, le 25 octobre, l’hôtel Saphir avait déjà accueilli une soixantaine de participantes pour le séminaire interactif « Woman Talk », traduit en lingala par « Massolo ta bassi », littéralement « parole de femmes ».
Des gynécologues, oncologues et nutritionnistes sont intervenus pour détailler symptômes, facteurs de risque et options thérapeutiques disponibles à Brazzaville et Pointe-Noire, insistant sur l’importance du dépistage précoce dans la réussite des traitements.
Selon la docteure Farida Bouity, une tuméfaction irrégulière ou un écoulement spontané « doit amener à consulter sans délai ». Elle a souligné que le vaccin contre le papillomavirus, déjà accessible dans certains district sanitaires, constitue « une barrière fiable ».
Les échanges, traduits simultanément en lingala et en kituba, ont permis à des délégations venues du Gabon et de la République démocratique du Congo de partager leurs méthodes de sensibilisation communautaire, augurant de futures collaborations sous-régionales.
Facteurs de risque et prévention
Au-delà de l’information médicale, les intervenantes ont encouragé une hygiène de vie équilibrée : alimentation riche en fruits locaux, limitation de l’alcool et pratique régulière d’une activité physique, trois leviers jugés accessibles à la majorité des ménages urbains.
Lion d’or prévoit désormais des mini-ateliers mensuels dans quatre arrondissements de Brazzaville, en collaboration avec les directions départementales de la santé, afin d’étendre la campagne au-delà des cercles sportifs.
Une sensibilisation qui s’étend toute l’année
Le ministère de la Santé, représenté sur place par la directrice de la prévention, a salué l’initiative et promis un appui logistique pour la prochaine édition, notamment la mise à disposition de bus de dépistage itinérants.
En attendant, José Cyr Ebina prévoit de reverser une partie des fonds récoltés lors de la marche à trois associations féminines œuvrant dans l’accompagnement des patientes en chimiothérapie, estimant que « le soutien psychologique est aussi vital que le traitement ».
Pour de nombreux participants, l’évènement a montré qu’une activité simple comme la marche peut réunir générations et catégories sociales autour d’un enjeu de santé publique majeur, sans nécessiter d’infrastructures coûteuses.
Entre engagement associatif et soutien institutionnel
Alors que le soleil déclinait sur le fleuve Congo, les derniers coureurs franchissaient l’arche d’arrivée sous les applaudissements. Beaucoup promettaient déjà de revenir l’an prochain, convaincus que la bataille contre le cancer passe aussi par des pas partagés.
Une fiche de suivi, remise à chaque participant, propose un calendrier de visites médicales et une liste de centres agréés pour la mammographie et le frottis. Un QR code permet d’enregistrer ses rappels sur smartphone, ciblant la génération connectée.
En mobilisant sport, technologie et solidarité, la marche de Brazzaville s’impose comme un modèle d’actions concrètes pour réduire l’incidence des cancers féminins et masculins, dans un pays où la prise en charge précoce reste encore un défi.
Pour l’association Lion d’or, la prochaine étape sera d’obtenir l’adhésion des entreprises afin d’inscrire des séances de dépistage dans les programmes de santé au travail, renforçant ainsi la dynamique enclenchée en ce mois d’octobre.
Plusieurs influenceurs suivis par la jeunesse congolaise, dont la chroniqueuse Joëlle Mankessi, ont relayé l’évènement en direct sur les réseaux sociaux, générant plus de 50 000 vues en vingt-quatre heures et amplifiant la portée de la campagne.
À terme, Lion d’or espère inscrire la marche de sensibilisation au calendrier officiel des manifestations sportives nationales, un pas qui faciliterait l’accès à des sponsors supplémentaires et pérenniserait l’effort de prévention dans toutes les régions du Congo.