Déclaration officielle et contexte épidémiologique
Le samedi 26 juillet 2025, la voix grave du professeur Jean-Rosaire Ibara, ministre de la Santé et de la Population, a résonné depuis la salle des communications du palais gouvernemental. Devant la presse et les partenaires techniques, il a énoncé une phrase que le règlement sanitaire international exige dans pareilles circonstances : « Le gouvernement de la République déclare l’épidémie de choléra dans le district sanitaire de l’île Mbamou ». Le vibrio cholerae, confirmé sur deux des trois prélèvements analysés au Laboratoire national de santé publique, venait de placer Brazzaville sur la cartographie mondiale des flambées 2025.
L’annonce intervient alors que l’Afrique australe et centrale connaît un regain de cas, particulièrement en Angola et en République démocratique du Congo. Les 103 cas suspects recensés, dont 12 décès probables, situent d’emblée l’enjeu : contenir un foyer insulaire avant qu’il ne gagne les rives du fleuve Congo, gigantesque artère commerciale connectant plusieurs capitales.
Une mobilisation gouvernementale précoce
Si l’on juge la riposte à l’aune du temps, la réaction congolaise se veut rapide. Sitôt les résultats confirmés, un comité interministériel dirigé par le Premier ministre a débloqué un fonds d’urgence destiné à la prise en charge gratuite des patients, à la distribution de kits chlorés et au renforcement de la surveillance épidémiologique. Des équipes de santé communautaire sillonnent désormais les ruelles sablonneuses de Mbamou pour rappeler, mégaphone en main, que l’eau traitée est un rempart aussi efficace que tout arsenal pharmaceutique.
Cette diligence s’inscrit dans la continuité du Plan national de développement sanitaire 2022-2026, qui insiste sur la gestion intégrée des risques. « La réactivité observée confirme la capacité que le gouvernement a acquise à travers l’expérience Covid-19 », souligne le Dr Amadou Diarra, épidémiologiste à l’OMS, rencontré sur les berges du Djoué.
Diplomatie sanitaire régionale et vigilance frontalière
Au-delà du périmètre insulaire, la bataille se joue sur le front diplomatique. En moins de quarante-huit heures, le ministère des Affaires étrangères a adressé des notes verbales aux homologues angolais et congolais-kinshasa, proposant un partage en temps réel des données de surveillance hydrographique. Brazzaville mise sur la Commission internationale du Bassin Congo-Oubangui-Sangha pour harmoniser les contrôles des points d’embarquement fluvial.
Cette coordination illustre une doctrine que la République du Congo défend depuis plusieurs cycles de l’Union africaine : la sécurité sanitaire est un bien public régional. De fait, les patrouilles mixtes douane-santé, déployées dès le 27 juillet, fonctionnent autant comme outil de santé publique que comme signal diplomatique de responsabilité.
Résilience communautaire et enjeux logistiques
Sur l’île Mbamou, zone de pêche et de maraîchage, la résilience dépend toutefois de la distribution quotidienne d’eau potable. Les barges affrétées par les Forces armées congolaises transportent désormais des citernes chlorées de 10 000 litres. Cette opération, soutenue par le Fonds des Nations unies pour l’enfance, a déjà permis de ramener la consommation d’eau de rivière brute sous le seuil de 20 % des ménages, selon la Direction générale de l’hydraulique.
Le défi logistique reste complexe : les routes d’accès à certains hameaux se réduisent souvent à des pistes inondables. « La géographie impose d’allier bateau et moto-pompe, un tandem coûteux mais indispensable », explique Maguy Tchikaya, coordinatrice de la Croix-Rouge congolaise.
Communication de crise et perception publique
La stratégie gouvernementale inclut un volet communication piloté par le Centre des opérations d’urgence de santé publique. Les messages radiophoniques, diffusés en lingala et en kituba, insistent sur le lavage des mains, la cuisson prolongée des aliments et la consultation précoce. Les réseaux sociaux, souvent accélérateurs de rumeurs, sont ici utilisés comme relais d’informations validées, sous la houlette du ministère de la Communication.
Cette approche inclusive semble porter ses fruits : un sondage rapide de perception réalisé par l’université Marien-Ngouabi montre que 68 % des habitants de Brazzaville se déclarent « bien informés » sur les gestes de prévention, un taux jugé encourageant par les experts.
Perspectives pour la santé publique congolaise
À l’heure où le Congo peaufine sa candidature pour accueillir le Centre africain de recherche sur les maladies émergentes, la gestion de ce foyer cholérique constitue un test grandeur nature. La Banque mondiale a salué, dans une note interne, « une orchestration multisectorielle prometteuse ». Les prochaines semaines diront si la courbe épidémique se stabilise en dessous du seuil d’alerte régional.
Quoi qu’il advienne, l’épisode rappelle que la souveraineté sanitaire se construit autant par les infrastructures que par la confiance entre gouvernants et gouvernés. Sur ce terrain, Brazzaville joue sa partition avec la discrétion que requiert l’art diplomatique, mais avec la fermeté que réclame toute menace épidémique.