Brazzaville, carrefour stratégique de la francophonie économique
En annonçant l’accueil de la septième édition du Forum international des entreprises francophones, le président du Conseil d’administration de l’Union nationale des opérateurs économiques du Congo, le Dr Jean-Daniel Ovaga, a placé Brazzaville sous les projecteurs d’un réseau d’affaires qui fédère près de quatre-vingts pays et gouvernements. La séquence n’est pas anodine : la diplomatie congolaise multiplie depuis quelques années les initiatives destinées à conjuguer soft power linguistique et attractivité économique. Après la Rencontre des entrepreneurs francophones organisée en 2025, la tenue du FIEF vient consolider cette dynamique et confirme la volonté des autorités de transformer la capitale en hub régional capable d’agréger capitaux, savoir-faire et innovations.
La perspective de mai 2026 s’inscrit dans un calendrier international dense, marqué par la montée en puissance de la francophonie économique. Pour les observateurs, Brazzaville possède plusieurs atouts : stabilité politique, connectivité aérienne, réseaux bancaires régionaux robustes et infrastructures de conférence en phase de modernisation. « La tenue de cet événement majeur dans notre pays renforcerait l’image du Congo en tant que hub d’affaires en Afrique centrale », a rappelé le ministre de l’Économie, du Plan, de l’Intégration régionale et de la Statistique, Ludovic Ngatsé, à l’issue de son entretien avec le Dr Ovaga.
Un repositionnement régional appuyé par le secteur privé
Le pari congolais se nourrit d’une collaboration étroite entre État et secteur privé, à l’image de l’Unoc qui orchestre la candidature depuis la sixième édition du forum à Abidjan en mai 2025. Sur le terrain, les opérateurs économiques anticipent déjà la diversification des chaînes de valeur qu’un tel rassemblement peut engendrer, de l’agro-industrie aux services financiers. L’écosystème local, structurellement orienté vers les industries extractives, y voit l’occasion de se connecter à des marchés francophones où la demande de biens manufacturés et de solutions numériques progresse rapidement.
Cet engagement entrepreneurial s’adosse à la feuille de route nationale de diversification, document stratégique qui fixe pour horizon 2030 une contribution renforcée des secteurs hors pétrole au PIB. La présence, lors du forum, de délégations issues des milieux d’affaires québécois, marocains ou vietnamiens devrait faciliter la conclusion de joint-ventures, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, souvent en quête de capital patient et de transferts technologiques.
Les ambitions d’intégration sous l’impulsion présidentielle
Sous le haut patronage du Président de la République, Denis Sassou Nguesso, la préparation du FIEF 2026 s’inscrit dans une stratégie plus large de diplomatie économique proactive. Depuis la ratification de la Zone de libre-échange continentale africaine, le chef de l’État insiste sur la nécessité d’insérer le Congo dans les corridors commerciaux émergents. L’argument francophone vient compléter cette orientation en offrant un cadre culturel et juridique familier à de nombreux investisseurs internationaux.
À l’échelle sous-régionale, la tenue du forum rehausse la crédibilité de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Brazzaville espère ainsi catalyser des projets transfrontaliers, notamment dans le domaine des infrastructures logistiques – ports secs, routes corridorielles, plateformes numériques de dédouanement – qui demeurent indispensables à la fluidité des échanges.
Une coopération ministérielle en ordre de bataille
Conscient de l’effet vitrine du FIEF, le gouvernement a mis en place une cellule inter-ministérielle pilotée par les départements de l’Économie, des Petites et Moyennes Entreprises, du Développement industriel et de la Coopération internationale. Cette synergie institutionnelle vise à sécuriser le financement des infrastructures d’accueil, affiner le protocole d’hospitalité et élaborer un programme scientifique à forte valeur ajoutée, articulé autour de thématiques comme la transition énergétique, la gouvernance numérique et le financement vert.
Aux côtés des administrations, la mairie de Brazzaville déploie un plan d’embellissement urbain qui comprend la réhabilitation de grands axes, l’extension du réseau de fibre optique et l’amélioration du service hôtelier. « Nous voulons offrir aux délégations une expérience à la hauteur de leurs attentes », confie un responsable du comité d’organisation, soulignant l’importance de la logistique dans la perception globale de l’événement.
Effets d’entraînement attendus pour le tissu entrepreneurial local
Au-delà de son prestige, le FIEF se présente comme un laboratoire grandeur nature pour les entreprises congolaises, appelées à conclure des protocoles d’accord, à accéder à de nouveaux circuits de distribution et à bénéficier de formations ciblées. Les banques locales, adossées à la Banque des États de l’Afrique centrale, profitent de l’occasion pour promouvoir des lignes de crédit spécialement conçues pour l’export.
Selon un économiste basé à Pointe-Noire, la dynamique enclenchée par le forum pourrait générer un supplément de croissance de 0,4 point de PIB sur la période 2026-2027, un chiffre prudent mais révélateur du potentiel d’entraînement. Les retombées touristiques, estimées à plusieurs dizaines de milliers de nuitées, viendront également stimuler les recettes fiscales du secteur hôtelier et des services connexes.
Regards des partenaires internationaux sur le pari congolais
Dès l’annonce officielle, divers bailleurs de fonds multilatéraux ont manifesté leur intérêt. La Banque africaine de développement étudie la possibilité d’accompagner la modernisation du Centre international de conférences de Brazzaville, tandis que des agences de promotion des exportations européennes envisagent d’installer des pavillons collectifs. « Le FIEF est devenu une plateforme crédible ; Brazzaville a toutes les cartes en main pour en faire un succès », estime un cadre du Groupement du patronat francophone.
Si les indicateurs macroéconomiques demeurent sensibles aux fluctuations des cours des matières premières, l’engagement institutionnel autour du forum envoie, selon plusieurs analystes, un signal de confiance aux marchés. À moyen terme, la crédibilité ainsi consolidée pourrait soutenir la notation souveraine du pays et réduire le coût de financement des grands projets d’infrastructures.