Contexte normatif renforcé
À la faveur de la loi de finances 2025 et d’une batterie de textes d’application adoptés ces trois dernières années, la République du Congo franchit une nouvelle étape dans la structuration de son marché des services financiers non bancaires. Le directeur général de l’Agence de régulation des transferts de fonds, Jean-Claude Bazebi, a rappelé le 25 juillet à Brazzaville que les quelque deux cents agences de transfert et de change encore non répertoriées ont jusqu’au 10 août pour régulariser leur situation. Le rappel à l’ordre survient après une phase prolongée de sensibilisation, signe que les autorités entendent désormais passer d’une logique incitative à une logique contraignante sans ambiguïté.
Cette évolution s’inscrit dans l’effort plus large engagé par le gouvernement pour aligner son dispositif prudentiel sur les exigences de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale ainsi que sur les standards du Groupe d’action financière. Elle répond enfin aux recommandations émises lors de la dernière revue conjointe Fonds monétaire international-Banque mondiale sur la gouvernance financière dans la sous-région.
Un impératif de transparence financière
Les transferts de fonds représentent une véritable bouffée d’oxygène pour l’économie congolaise. Selon la Banque centrale, les remises de la diaspora ont dépassé 300 millions de dollars en 2023, soit plus de 3 % du PIB. À ce titre, la formalisation du secteur revêt une importance macroéconomique et sociale majeure : sécurisation des flux, accroissement de la traçabilité et élargissement de l’assiette fiscale sont autant de retombées attendues.
« Le temps du cafouillage est révolu », a martelé Jean-Claude Bazebi devant les opérateurs, soulignant que l’enregistrement obligatoire ne constitue pas une contrainte mais un « sésame pour opérer en toute quiétude ». Les acteurs réguliers, mieux identifiés, pourront accéder à des partenariats bancaires plus stables et, partant, proposer des services à coûts maîtrisés aux expatriés comme aux ménages locaux.
Des sanctions dissuasives comme levier de conformité
La législation consacre désormais une échelle graduée d’amendes allant de 20 à 50 millions de francs CFA, auxquelles peuvent s’ajouter la fermeture immédiate des points de vente et la saisie des sommes litigieuses. En clair, les agences clandestines ne pourront plus se prévaloir d’une quelconque tolérance. Cette fermeté répond au double objectif de protéger les utilisateurs contre les risques de fraude et de réduire la vulnérabilité du pays au blanchiment d’argent lié aux trafics transfrontaliers.
Depuis l’annonce du 25 juillet, plusieurs enseignes internationales, dont deux géants américains du transfert électronique, ont annoncé entamer la procédure d’enrôlement de leurs sous-agents indépendants. Les autorités y voient la preuve que la dissuasion réglementaire constitue un levier efficace de conformité volontaire, évitant ainsi l’écueil d’opérations coup de poing perçues comme brutales par les investisseurs.
Impact attendu sur l’inclusion et la stabilité
En favorisant la bancarisation progressive des opérateurs, la réforme pourrait accélérer l’adoption de solutions numériques domestiques, lesquelles réduisent les coûts de transaction et favorisent l’inclusion. Les associations de consommateurs saluent déjà la perspective d’une tarification plus transparente, tandis que les autorités monétaires entrevoient un meilleur suivi des flux en devises, élément crucial pour la gestion des réserves de change.
Les observateurs notent également que l’encadrement plus strict des transferts s’inscrit dans la stratégie nationale de cybersécurité adoptée fin 2023. La collecte centralisée des données transactionnelles par l’ARTF permettra une détection plus fine des anomalies, renforçant, par ricochet, la confiance des bailleurs internationaux.
Une fenêtre d’opportunités pour les partenariats
Au-delà du caractère domestique de la mesure, Brazzaville entend positionner le Congo comme plateforme régionale de services financiers dématérialisés. Des pourparlers sont déjà engagés avec des fintechs d’Afrique australe pour déployer des corridors de paiement plus rapides entre Pointe-Noire, Johannesburg et Luanda. L’enregistrement systématique des agents constituera un atout de crédibilité dans ces négociations, en offrant des garanties claires en matière de conformité.
Dans cette dynamique, le ministère de l’Économie numérique prépare un projet de guichet unique dématérialisé destiné à réduire les délais d’obtention de licence à quinze jours ouvrés. L’initiative, saluée par la Chambre de commerce européenne à Brazzaville, illustre le volontarisme des autorités, soucieuses de conjuguer exigence réglementaire et attractivité de l’environnement des affaires.
Cap sur un secteur mieux ordonné
Le compte à rebours lancé jusqu’au 10 août cristallise la volonté du gouvernement de mettre un terme définitif à la zone grise qui entourait certains canaux de transferts de fonds. Dans un contexte où chaque franc CFA rapatrié revêt une importance particulière pour la relance post-pandémie, l’initiative témoigne d’une gouvernance économique soucieuse d’équilibre entre ouverture aux capitaux et protection de l’intérêt général.
Reste désormais à mesurer la capacité des opérateurs à internaliser ces nouvelles exigences dans leur modèle d’affaires. Les signaux envoyés par les principaux réseaux internationaux laissent augurer d’une transition maîtrisée, gage d’une stabilité financière et sociale renforcée pour le Congo-Brazzaville.