L’humour, vecteur de cohésion sociale brazzavilloise
Le 30 août, la salle polyvalente choisie pour accueillir « Rire en scène » servira bien davantage qu’un simple écrin artistique ; elle deviendra le miroir d’une société en quête de respiration collective. Dans une capitale parfois soumise aux tensions inhérentes à la rapidité de l’urbanisation, le rire agit comme un liant social, rappelant le principe énoncé par le dramaturge congolais Sony Labou Tansi selon lequel « le rire précède la compréhension ». Les organisateurs, soutenus par la municipalité de Brazzaville et par la direction générale des arts et des lettres, inscrivent ainsi la manifestation dans l’axe 3 du Plan national de développement culturel, consacré à la promotion des industries créatives. L’objectif est clair : offrir à la population un espace de communion où les clivages socio-économiques se diluent au profit d’une célébration partagée de la créativité congolaise.
Un casting intergénérationnel au service du vivre-ensemble
La programmation, soigneusement composée, associe têtes d’affiche reconnues et révélations de la scène montante. Jojo la Légende, réputé pour son sens de la satire familiale, trouvera un écho auprès des générations mûres, tandis que Nana Cépho, figure féminine affirmée, fera entendre la voix d’une jeunesse urbaine friande de punchlines engagées. Moucharaf et Le Chirurgien du rire complètent ce dispositif par une écriture scénique empreinte d’improvisation, volontiers interactive et constamment nourrie du vécu brazzavillois. Cette démarche intergénérationnelle répond à la volonté de décloisonner les références culturelles, de sorte que le public d’un quartier périphérique et celui du centre-ville se découvrent un répertoire de gestes, d’expressions et de mimiques communs. En coulisses, les artistes répètent ensemble, échangeant non seulement des répliques, mais aussi des astuces de mise en scène, preuve que la transmission se fait autant hors que sur la scène.
Diplomatie du rire et rayonnement culturel congolais
Au-delà de sa portée récréative, « Rire en scène » s’inscrit dans la diplomatie culturelle que Brazzaville développe depuis plusieurs années. Le ministère des Affaires étrangères, qui accompagne l’événement, y voit une occasion d’exhiber le dynamisme créatif national auprès des chancelleries accréditées. Des attachés culturels d’Afrique centrale et des représentants d’instituts francophones ont confirmé leur présence, persuadés que l’humour constitue un marqueur identitaire aussi efficace qu’un forum économique pour positionner un pays dans l’imaginaire collectif international. Le festival fait ainsi écho au Sommet de la Francophonie de 2012 où la communication par les arts avait été invoquée comme levier de rapprochement des peuples. Le rire se révèle ici un soft power discret, fédérant des opinions souvent fragmentées et transmettant l’image d’un Congo hospitalier, serein et créatif.
Soutien institutionnel et dynamique économique locale
Loin de s’apparenter à un événement ponctuel, « Rire en scène » s’inscrit dans une chaîne de valeur créative que les autorités encouragent. La politique tarifaire, volontairement modérée, bénéficie d’une subvention partielle du Fonds d’appui à la culture et à l’art vivant, ce qui favorise l’accès des ménages modestes sans compromettre la rémunération des artistes. Les retombées se font déjà sentir dans les métiers périphériques : techniciens son, costumiers, restaurateurs ambulants et chauffeurs de taxi enregistrent une hausse notable des réservations. Selon la Chambre de commerce de Brazzaville, chaque soirée culturelle génère en moyenne quinze emplois temporaires et double le chiffre d’affaires des micro-entreprises avoisinantes. À l’échelle macro-économique, ces chiffres peuvent paraître modestes, mais ils s’inscrivent dans une trajectoire de diversification des revenus hors pétrole saluée par la Banque africaine de développement.
Vers une scène humoristique durable et inclusive
Les promoteurs ne cachent pas leur ambition de pérenniser l’initiative. Un partenariat académique avec l’Institut national des arts et des métiers de la culture prévoit la mise en place d’ateliers d’écriture humoristique pour les lycéens, tandis qu’un accord de principe a été signé avec une plateforme numérique afin d’assurer la diffusion en streaming des prestations. La circulation des œuvres au-delà des frontières nationales offrira aux humoristes un nouveau marché tout en consolidant l’image d’un Congo innovant. En perspective, la création d’un label « Brazzaville Comedy Hub » ouvrirait l’accès à des financements multilatéraux dédiés à l’économie orange. De la salle de spectacle aux écrans connectés, l’esprit de « Rire en scène » a ainsi vocation à soutenir une diplomatie culturelle durable, fondée sur l’inclusion, la créativité et la fierté d’une identité partagée.