Contexte régional et impératif stratégique
Réunis à Brazzaville pour le Cyber Drill d’Afrique centrale, diplomates, ingénieurs et décideurs ont entériné l’idée que la cybersécurité n’est plus une composante accessoire de la politique publique. Dans une sous-région où le trafic Internet croît de plus de 40 % par an selon l’Union internationale des télécommunications, la multiplication des services financiers dématérialisés et la jonction des administrations à des plateformes en ligne rendent la protection des infrastructures critiques indispensable. « Nous devons construire une trajectoire de transformation numérique qui renforce la cybersécurité, respecte la vie privée des utilisateurs et protège les infrastructures critiques », a rappelé Abdourahamane Diallo, Coordonnateur résident des Nations Unies au Congo, appelant à un surcroît de vigilance face à la sophistication des attaques.
Le rôle moteur de Brazzaville dans la gouvernance numérique
Sous l’impulsion des plus hautes autorités congolaises, Brazzaville ambitionne de devenir un hub numérique de la CEEAC. La feuille de route gouvernementale, articulée autour d’un Plan national de développement numérique, prévoit l’extension de la fibre optique, la généralisation des services d’identité électronique et l’hébergement local des données stratégiques. Dans cette architecture, la cybersécurité n’est pas présentée comme un simple dispositif défensif ; elle est intégrée à l’amont des projets, de la conception des plateformes au déploiement des applications mobiles. « La cohésion des services numériques et de l’économie digitale constitue l’une des premières priorités des partenaires », a souligné M. Diallo, estimant que la crédibilité d’un État dans l’économie mondiale dépend désormais de sa capacité à garantir la continuité numérique.
Partenariats multilatéraux et transfert de compétences
Le Cyber Drill, exercice de simulation grandeur nature piloté par l’Union internationale des télécommunications, illustre l’approche coopérative que le Congo promeut. Experts japonais en cryptographie, ingénieurs camerounais spécialisés dans les opérations de réponse aux incidents et consultants congolais en audit de vulnérabilité ont travaillé de concert pour tester la résilience des centres de données nationaux. Cette méthode de laboratoire diplomatique, saluée par l’Union africaine, consolide la confiance entre États et acteurs privés, tout en favorisant le transfert de compétences vers les ingénieurs locaux. Les autorités congolaises ont d’ailleurs annoncé l’ouverture prochaine d’un Centre d’excellence régional en cybersécurité qui formera chaque année deux cents spécialistes.
Vers une culture de la prévention et de la résilience
Au-delà des infrastructures techniques, la réussite de la stratégie congolaise repose sur la sensibilisation du grand public et la professionnalisation des administrateurs système. Une campagne nationale, placée sous le haut patronage du ministère des Postes, des Télécommunications et de l’Économie numérique, vulgarise actuellement les bons réflexes de sécurité : mise à jour régulière des dispositifs, double authentification et signalement immédiat des anomalies. Les premiers résultats sont tangibles : le CERT national fait état d’une baisse de 18 % des incidents à fort impact recensés au premier semestre 2024, signe que la prévention gagne les entreprises publiques comme privées.
Perspectives d’intégration sous-régionale
Les experts réunis à Brazzaville s’accordent à dire que la prochaine étape se jouera sur le terrain de l’harmonisation normative. L’initiative du Congo d’aligner son cadre législatif sur la Convention de Malabo sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel constitue un signal fort. Elle facilite la coopération transfrontalière, simplifie l’échange de renseignements et clarifie les mécanismes d’entraide judiciaire. Pour le Coordonnateur résident des Nations Unies, cette convergence réglementaire « joue un rôle clé dans l’accélération d’une transformation numérique durable ». Dans la perspective du sommet de la CEEAC prévu à Kinshasa, Brazzaville entend donc défendre une feuille de route commune articulée autour d’un réseau de CERT interconnectés et d’un fonds d’appui à la résilience numérique.
La cybersécurité, pivot d’une souveraineté numérique assumée
En définitive, loin de se résumer à un catalogue de prescriptions techniques, la stratégie congolaise de cybersécurité exprime un choix de souveraineté. Protéger les données citoyennes, assurer la continuité des services publics en ligne et sécuriser les échanges financiers virtuels sont désormais des leviers d’attractivité pour l’investissement étranger. Cette approche, que l’on peut qualifier de « raison d’État numérique », consolide la stabilité interne tout en offrant au Congo-Brazzaville une place crédible dans la gouvernance globale de l’Internet. À l’heure où la dépendance aux infrastructures numériques s’accroît, la détermination de Brazzaville à bâtir un écosystème sécurisé s’érige en exemple régional, rappelant que l’innovation ne vaut que si elle repose sur la confiance.