Quartiers sous tension à Brazzaville
Un matin d’octobre, le soleil peine à percer dans la rue Don Bosco, mais le regard s’arrête surtout sur un poteau électrique couché sur une toiture en tôle. Quatre ans après sa chute, le bois noirci souligne la vétusté de certains équipements urbains.
Plus loin, à Sonaco, un mât en bois, rongé par la pluie et les insectes, oscille au moindre souffle de vent. Des passants lèvent la tête, évaluant la trajectoire possible d’une éventuelle chute, tandis que les commerçants déplacent leurs étals pour éviter un drame.
À Massina, les câbles rafistolés dessinent un entrelacs à hauteur d’homme. Les fils nus frôlent casquettes et parasols des vendeuses, rappelant chaque seconde que la moindre étincelle pourrait transformer l’avenue animée en zone de danger. Les habitants parlent d’une « épée de Damoclès » électrique.
Risques quotidiens pour les riverains
Les défaillances ne se limitent pas au mobilier urbain. Les variations soudaines de tension provoquent des coupures d’appareils ménagers, voire des débuts d’incendie. Claudia, restauratrice de Moukondo, raconte avoir perdu deux réfrigérateurs en un mois, faute de régulateur. « J’entends le grésillement avant l’obscurité », confie-t-elle.
Dans les écoles primaires longeant l’avenue de l’Intendance, les directeurs ont interdit aux élèves de jouer près des niches électriques, dont les portes métalliques ont été arrachées. Les enseignants craignent qu’une simple curiosité enfantine ne conduise à une électrocution en pleine cour de récréation.
Le docteur Mbemba, urgentiste au CHU de Brazzaville, estime recevoir « au moins trois cas d’électrisation légère chaque semaine », souvent liés à des câbles tombés après une pluie. Selon lui, la fréquence augmente pendant la saison humide, lorsque l’eau conduit davantage le courant résiduel.
Réponses d’E²C et plan d’urgence annoncé
Interpellée à plusieurs reprises, la société Énergie électrique du Congo reconnaît des « poches de fragilité » dans le réseau de distribution. Le directeur technique, Alphonse Bakala, affirme que des équipes de diagnostic sillonnent désormais les douze arrondissements pour cartographier les points critiques avant la fin de l’année.
« Nous avons priorisé les secteurs scolaires et hospitaliers, puis les axes à forte densité commerciale », ajoute-t-il. Selon E²C, trente-cinq poteaux seront remplacés à Don Bosco dès novembre, et cent cinquante mètres de lignes seront enfouies dans la zone industrielle de Maloukou pour réduire l’exposition des piétons.
L’entreprise compte aussi installer des parafoudres intelligents capables de réguler la tension pendant les orages. Ces dispositifs, testés à Pointe-Noire l’an dernier, auraient réduit de 40 % les coupures signalées par les ménages, selon un rapport interne consulté par notre rédaction.
La maintenance préventive inclura également le remplacement progressif des conducteurs nus par des câbles torsadés, plus résistants aux intempéries. Ce changement, déjà expérimenté sur l’avenue Marien-Ngouabi, a montré une baisse notable des pertes techniques, tout en améliorant la stabilité de la tension délivrée aux foyers urbains.
Appui des autorités et perspectives de modernisation
Pour financer ces travaux, E²C s’appuie sur un partenariat public-privé signé en juillet avec l’Agence française de développement et la Banque africaine d’import-export. Huit millions de dollars sont destinés au renforcement du réseau basse tension à Brazzaville, sans impact immédiat sur le tarif de l’électricité domestique.
Le ministère de l’Énergie rappelle que le Plan national de développement 2022-2026 accorde une place prioritaire à la sécurisation des réseaux urbains. Une unité de contrôle mixte, composée de techniciens d’E²C et des collectivités locales, doit publier chaque trimestre un bulletin sur l’état des installations.
Pendant la présentation du budget sectoriel au Parlement, la ministre Delphine Lembouba a insisté sur la modernisation numérique du dispatching national. « Nos compteurs intelligents permettront de détecter les chutes de tension en temps réel et d’envoyer des équipes en moins d’une heure », a-t-elle assuré.
Conseils de sécurité pour les habitants
Les collectivités, de leur côté, multiplient les efforts de sensibilisation. Des campagnes radio rappellent les numéros verts à composer en cas de fil tombé. Des agents municipaux peignent désormais en rouge les poteaux jugés instables afin de signaler clairement la zone à éviter le temps de la réparation.
En attendant la réhabilitation complète, les électriciens recommandent d’éloigner tout objet métallique des lignes basses et de couvrir les antennes TV avec des gaines isolantes. Ils invitent également les ménages à brancher les congélateurs sur des onduleurs et à débrancher les chargeurs dès la moindre surtension.
Les parents sont encouragés à sensibiliser les enfants sur le danger d’une installation ouverte. Les écoles peuvent inviter les techniciens d’E²C à animer des démonstrations pratiques, montrant comment reconnaître un fil sous tension. Cette pédagogie, affirment les autorités, complète utilement les investissements matériels en cours.
D’ici la prochaine saison des pluies, la ville espère réduire significativement les points noirs. Les habitants, tout en saluant les premières interventions, souhaitent qu’elles s’inscrivent dans la durée. « La sécurité électrique est un droit, pas un luxe », résume Jonas, habitant de Casis, optimiste mais vigilant.
