Arrestation contestée du 30 mai 2022
Le 30 mai 2022, Alberto Lissassi, 27 ans, diplômé en gestion mais sans emploi, dit avoir été arrêté dans le centre-ville de Brazzaville alors qu’il attendait un taxi. Selon son récit, aucun motif ne lui a été signifié sur-le-champ.
Conduit dans un commissariat dont il préfère taire le nom, le jeune homme raconte avoir subi un interrogatoire musclé. Il assure que les policiers présents l’ont rudoyé, lui reprochant implicitement de filmer la voie publique avec son téléphone, ce qu’il dément.
Des blessures irréversibles
Lissassi affirme que les coups reçus au visage ont provoqué l’éclatement de son globe oculaire gauche. Soigné d’abord au Centre hospitalier universitaire, il dit avoir finalement perdu la vue de cet œil, malgré plusieurs interventions décrites comme « d’urgence » par les médecins.
« Je suis passé d’un simple contrôle à un handicap permanent », confie-t-il calmement. Munis de certificats médicaux, lui et sa famille ont porté plainte peu après les faits, estimant que la prise en charge médicale ne pouvait réparer à elle seule le préjudice subi.
Parcours procédural au ralenti
L’enquête préliminaire ouverte par le parquet de Brazzaville a rapidement identifié plusieurs agents, tous détenteurs du statut d’officiers de police judiciaire. Ils ont comparu pour la première fois en juillet 2024, soit plus de deux ans après l’arrestation contestée.
Depuis cette audience, le dossier n’a pas été enrôlé pour instruction approfondie, regrette la partie civile. « Nous observons une inertie inexplicable alors que les suspects sont connus », insiste Me Christian M., l’avocat du plaignant, qui rappelle avoir relancé le parquet à plusieurs reprises.
Les enjeux de la compétence judiciaire
La défense de Lissassi souligne que le privilège de juridiction accordé aux officiers de police judiciaire a d’abord freiné la procédure. Elle s’appuie sur une décision de la Cour suprême levant ce privilège et enjoignant le Tribunal de grande instance de juger l’affaire.
Selon les juristes consultés, cette décision clarifie le périmètre des immunités professionnelles, mais son application pratique dépend du parquet. « Le texte est limpide, il faut maintenant un calendrier d’audiences », souligne un magistrat souhaitant garder l’anonymat.
Attente d’un jugement et soins médicaux
Le jeune homme assure que l’absence de verdict retarde son évacuation sanitaire vers un centre spécialisé. Dans cette procédure, l’État pourrait être déclaré civilement responsable des frais, d’où la nécessité d’un jugement pour débloquer un éventuel financement.
« Tant que rien n’est tranché, je reste à la maison, sans emploi ni prise en charge adaptée », dit-il, estimant que ses rendez-vous ophtalmologiques restent limités faute de moyens. Son avocat évoque un risque d’aggravation des lésions si rien ne bouge.
Interpellation de la société civile
Pour Trésor Nzila, défenseur des droits de l’homme, ce cas symbolise les difficultés d’accès à la justice. « L’indemnisation ne devrait pas relever du parcours de combattant », déclare-t-il, appelant à une réponse rapide afin de préserver la confiance citoyenne.
Plusieurs organisations observent l’affaire, la considérant comme un test pour l’effectivité des réformes engagées ces dernières années dans la chaîne pénale. Sans remettre en cause le travail des magistrats, elles plaident pour une célérité conforme aux principes d’un procès équitable.
Silence des autorités, attentes citoyennes
Contactées pour réagir, les autorités judiciaires n’ont à ce stade pas émis de commentaire public. Dans l’entourage du parquet, on évoque toutefois la nécessité d’examiner minutieusement chaque pièce avant toute fixation d’audience, pour garantir la solidité du futur jugement.
En attendant, les réseaux sociaux relaient régulièrement l’histoire de Lissassi, suscitant des messages de solidarité, mais aussi des appels à laisser la justice travailler sans pression. « Je veux seulement mon droit sans polémique », répète le jeune homme à ses soutiens.
Le dossier soulève également la question de la formation continue des forces de l’ordre en matière de droits humains. Certains experts estiment que la multiplication d’ateliers et de modules pratiques peut prévenir de futurs litiges, tout en renforçant la relation population-police.
D’autres spécialistes insistent sur l’importance d’un mécanisme interne de contrôle plus proactif. « Quand des accusations naissent, il faut pouvoir enquêter rapidement, pour laver l’honneur de ceux qui sont irréprochables et sanctionner les dérives éventuelles », explique un commissaire principal à la retraite.
À mesure que l’audience se fait attendre, la partie civile dit avoir bon espoir que le Tribunal de grande instance fixe prochainement une date. « Je crois à la justice de mon pays », conclut Alberto Lissassi, convaincu qu’une issue équilibrée reste possible.
