Un socle pétrolier en mutation vers le gaz et les renouvelables
Au-delà de la place qu’elle occupe sur la carte pétrolière d’Afrique centrale, la République du Congo s’emploie, sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso, à élargir son bouquet énergétique vers le gaz naturel et les renouvelables. Les annonces de mise en production du projet gazier Marine XII, conduit avec l’italien ENI, illustrent cette volonté de sécuriser des revenus tout en préparant l’après-pétrole. Le choix de valoriser le gaz associé, plutôt que de le brûler en torchère, aligne la diplomatie économique congolaise avec les standards climatiques promus par la COP 27, où Brazzaville s’est engagée à réduire ses émissions de routine.
Enjeux macroéconomiques et crédibilité internationale
Ces inflexions énergétiques nourrissent une stabilisation macroéconomique reconnue par les partenaires internationaux. En juillet 2023, le Fonds monétaire international a salué « la trajectoire soutenable de la dette publique » grâce à des réformes budgétaires et à une meilleure gouvernance des recettes extractives. La Banque africaine de développement observe, pour sa part, que la croissance congolaise se redresse autour de 4 %, portée par les flux d’investissements et la prudence monétaire de la Banque des États de l’Afrique centrale. Cette crédibilité retrouvée ouvre l’accès à des financements concessionnels servant à diversifier l’économie et à moderniser les infrastructures de transport fluvial, indispensables au désenclavement des corridors intérieurs.
Coopération régionale : de la CEEAC au Golfe de Guinée
Brazzaville ne conçoit pas la sécurité énergétique comme un bien strictement national. Dans le cadre de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, le Congo a soutenu la création d’un marché régional de l’électricité visant à mutualiser les excédents hydroélectriques et à amortir les chocs d’offre. Parallèlement, le centre interrégional de coordination pour la sécurité maritime du Golfe de Guinée, basé à Pointe-Noire, bénéficie d’un soutien diplomatique constant de la présidence congolaise, consciente que la sûreté des routes maritimes conditionne la fluidité des exportations de brut comme de bois. À cette approche sécuritaire s’ajoute la signature, en octobre 2023, d’un protocole d’accord tripartite avec le Cameroun et le Gabon pour harmoniser la fiscalité pétrolière et favoriser les joint-ventures transfrontalières.
Réformes structurelles au service de l’inclusion financière
Conscients que la stabilité politique se nourrit d’un développement partagé, les pouvoirs publics ont adopté, avec l’appui de la Banque mondiale, un plan de bancarisation numérique visant à porter le taux d’inclusion financière de 26 % à 45 % d’ici 2026. L’attribution de licences d’argent mobile à des opérateurs internationaux et locaux, accompagnée d’incitations fiscales, a déjà permis de mailler le territoire en points de service jusque dans la Sangha et la Likouala. « La paix sociale passe par la modernisation des paiements de la fonction publique et des transferts sociaux via le mobile », souligne un conseiller au ministère des Finances. Cette orientation complète la réforme du climat des affaires, laquelle a réduit de moitié les délais de création d’entreprise selon le dernier rapport Doing Business Afrique.
La dimension environnementale de la diplomatie congolaise
Le président Sassou Nguesso, promoteur de l’Initiative mondiale pour les tourbières lors du Sommet pour la protection des forêts du Bassin du Congo, capitalise sur le potentiel de séquestration carbone des zones humides de la Cuvette centrale. En juin 2023, Brazzaville a obtenu de la Banque mondiale un financement de 90 millions de dollars pour cartographier et surveiller ces tourbières, renforçant ainsi son leadership environnemental. Cette posture ouvre la voie à la vente de crédits carbone et à l’émergence d’une diplomatie climatique où l’exploitation gazière peut coexister avec la préservation forestière, dans une démarche qualifiée de « transition juste » par plusieurs think-tanks européens.
Perspectives et marges d’action
À court terme, la montée en puissance du gaz liquéfié devrait consolider les réserves de change du pays tout en finançant la diversification agricole autour du manioc et du cacao. À moyen terme, le positionnement de Brazzaville comme carrefour énergétique offre des leviers pour négocier des partenariats industriels à plus forte valeur ajoutée, condition d’une croissance inclusive et durable. Les observateurs diplomatiques soulignent toutefois l’importance de continuer à améliorer la transparence contractuelle afin de maximiser les retombées pour la jeunesse congolaise. L’équation est délicate, mais la posture équilibrée entre réalisme économique et responsabilité environnementale confère au Congo-Brazzaville une place singulière dans le concert des nations africaines en transition.