An Qing à Brazzaville : symbolique d’un premier acte
La nomination d’An Qing comme ambassadrice extraordinaire et plénipotentiaire de la République populaire de Chine, effective depuis le 29 juin, survient à un moment où Pékin affine sa présence sur le continent. Sa première audience officielle, le 3 juillet, avec le président du Sénat congolais Pierre Ngolo, a constitué un signal diplomatique clair. « Aujourd’hui, nous avons eu des échanges importants sur les relations bilatérales, et l’accent a été mis sur les échanges des organes institutionnels et législatifs », a précisé la diplomate à l’issue de l’entretien. En plaçant la coopération parlementaire au centre de son propos inaugural, elle confirme la volonté des deux États d’enrichir une relation déjà dense sur les plans économique, culturel et sécuritaire.
Une relation stratégique en maturation constante
Depuis l’établissement des liens diplomatiques en 1964, le partenariat sino-congolais s’est progressivement mué en levier de développement. Les grands projets d’infrastructures – notamment le corridor routier Pointe-Noire–Brazzaville et la rénovation de plusieurs aéroports – témoignent de l’ancrage de la Chine dans la stratégie de diversification économique promue par le président Denis Sassou Nguesso. Pékin, de son côté, y trouve un relais stable pour sécuriser ses flux de matières premières et étendre son initiative « la Ceinture et la Route ». La complémentarité apparente masque néanmoins des négociations serrées sur les conditions de financement, la soutenabilité de la dette et le contenu local exigé désormais par Brazzaville.
Le rôle discret mais déterminant des parlements
La nouvelle étape mise en avant par An Qing se joue dans l’arène, généralement moins médiatisée, de la diplomatie parlementaire. Pour Pierre Ngolo, renforcer la coopération entre Sénats et Assemblées constitue « un moyen supplémentaire de consolider la confiance et de rapprocher les normes législatives ». Les commissions permanentes travailleront sur la facilitation des échanges commerciaux, la protection des investissements et la gestion environnementale des projets miniers. À Pékin, la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale populaire a déjà inscrit le Congo au registre de ses partenariats prioritaires pour 2024-2026. Cette synergie institutionnelle devrait fluidifier la mise en œuvre d’accords techniques négociés au niveau exécutif, tout en donnant un vernis de collégialité à des décisions parfois perçues comme strictement bilatérales.
Infrastructures et diversification : cap sur les secteurs à haute valeur ajoutée
Au-delà des routes et des stades, Brazzaville insiste désormais sur la transformation locale du bois, de l’agriculture et du cuivre. La diplomatie économique congolaise mise sur des joint-ventures capables de transférer technologie et savoir-faire, écho à la feuille de route annoncée par An Qing. Plusieurs groupes chinois spécialisés dans l’agro-industrie et l’énergie solaire prospectent déjà les zones économiques spéciales de Pointe-Indienne et d’Oyo. Pour rassurer les bailleurs multilatéraux, les autorités congolaises soulignent que tout nouveau prêt fera l’objet d’une évaluation conjointe Sénat-gouvernement. L’approche vise à équilibrer l’indispensable arrivée de capitaux étrangers et les impératifs de soutenabilité budgétaire, thématique au centre des pourparlers avec le Fonds monétaire international depuis 2019.
Peser dans l’architecture internationale post-pandémie
La coopération sanitaire tissée durant la crise de la Covid-19 nourrit aujourd’hui une diplomatie vaccinale plus large. Des milliers de doses de Sinopharm ont été livrées à Brazzaville, tandis que des médecins congolais participent à des programmes de formation à Wuhan. Cette dynamique conforte l’idée, défendue par plusieurs chancelleries africaines, d’un multilatéralisme pragmatique où chaque partenaire se voit assigner une zone d’expertise. Elle rejoint la vision exprimée par le président du Sénat congolais, selon laquelle « la voix de l’Afrique doit compter dans la refondation des mécanismes de gouvernance mondiale ». L’appui chinois à la candidature congolaise pour un siège non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies en 2026 illustre cette convergence d’intérêts.
Perspectives et défis d’une coopération calibrée
Si le ton reste à la cordialité, la prochaine commission mixte devra clarifier plusieurs dossiers sensibles : ajustement des échéances de remboursement, encadrement social des chantiers et protection accrue de la biodiversité du bassin du Congo. Brazzaville plaide pour une montée en gamme des investissements, davantage orientés vers la formation et la recherche. Pékin écoute, conscient que sa stratégie africaine gagne à s’adapter aux exigences locales pour préserver son image de partenaire fiable. La récente initiative conjointe sur la transparence contractuelle, pilotée par les deux parlements, pourrait constituer un modèle dans la région d’Afrique centrale. Entre attentes de modernisation et impératifs de souveraineté, le rapprochement sino-congolais poursuit donc sa trajectoire, porté par une diplomatie feutrée où le législatif s’invite désormais à la table des décideurs.