Insalubrité urbaine : un défi national prioritaire
À l’heure où les capitales africaines cherchent à conjuguer croissance démographique et qualité de vie, Brazzaville se trouve confrontée à l’impératif d’une gestion rigoureuse de ses espaces publics. Débarras anarchiques, carcasses automobiles et débordements d’ordures compromettaient l’image de la ville et grevaient son attractivité économique. C’est dans ce contexte que le gouvernement congolais a fait de la salubrité un axe stratégique de l’action publique, rappelant qu’un environnement négligé peut fragiliser la résilience sanitaire aussi bien que la crédibilité internationale d’un État en pleine diversification de ses partenariats.
Une opération mensuelle placée sous le sceau de l’État
Par une circulaire datée du 2 juillet 2025, le ministre de l’Assainissement urbain, du Développement local et de l’Entretien routier, Juste Desiré Mondelé, a institué un rendez-vous de salubrité fixé chaque premier samedi du mois. L’objectif officiellement affiché consiste à restaurer l’ordre urbain sans compromettre la liberté de circulation ni infliger de préjudices socio-économiques disproportionnés aux riverains. La mesure, saluée par les conseils d’arrondissement, s’inscrit dans la tradition congolaise du salongo, ces grands travaux communautaires qui, dans l’imaginaire collectif, symbolisent l’entraide civique.
Architecture institutionnelle de la campagne de déguerpissement
Le dispositif déployé ce week-end englobe forces de police, brigades municipales, sociétés de voirie et comités de quartier. Les conducteurs sont invités à placer leurs véhicules dans des garages privés ou à l’intérieur des parcelles familiales afin de libérer les grands axes. Selon le ministre, il ne s’agit pas d’un simple coup de force ponctuel, mais d’un « protocole d’ordre public adossé à la loi ». Le financement repose sur le budget de fonctionnement du ministère, complété par des contributions des collectivités locales et, à terme, par un mécanisme d’amendes affectées à l’entretien routier.
Mobilisation citoyenne et communication gouvernementale
Conscient que toute opération de déguerpissement comporte un volet sensible, Juste Desiré Mondelé a multiplié les échanges directs avec les associations de commerçants et les chefs de rue. La stratégie de persuasion s’appuie sur des spots radiophoniques diffusés en lingala et en français, ainsi que sur des visites de terrain relayées par la télévision publique. « La propreté demeure l’affaire de tous », martèle le ministre, insistant sur l’idée que la contrainte n’intervient qu’en dernier ressort. Dans plusieurs marchés, des riverains affirment avoir anticipé le retrait de leurs étals, preuve que la pédagogie commence à porter ses fruits.
Enjeux économiques des artères libérées
Derrière la dimension sanitaire, la libération des trottoirs répond à un objectif macro-économique : fluidifier la circulation des biens et des personnes, réduire les coûts logistiques et améliorer la compétitivité du tissu commercial local. Les opérateurs de transport estiment à 15 % la baisse potentielle des temps de trajet sur certains axes stratégiques, un gain non négligeable pour les chaînes d’approvisionnement. En parallèle, le secteur touristique, en reprise après la parenthèse pandémique, ambitionne de capitaliser sur une capitale plus présentable, gage de confiance pour les investisseurs extérieurs.
Lecture diplomatique d’une politique de l’exemplarité
Dans les cercles diplomatiques, l’initiative de Brazzaville est perçue comme un signal de gouvernance moderne. En articulant santé publique et urbanisme, le Congo-Brazzaville entend démontrer sa capacité à mettre en œuvre des programmes de service public respectueux des standards internationaux. Plusieurs partenaires techniques, dont l’Organisation mondiale des villes et des collectivités, observent le projet avec attention, y voyant un cas d’école de politique préventive dans la lutte contre les maladies liées au cadre de vie. L’alignement sur les Objectifs de développement durable, notamment la cible 11.6, renforce la lisibilité du plan à l’échelle multilatérale.
Vers un changement durable des pratiques urbaines
Reste la question de la durabilité. Les sociologues rappellent qu’une mesure coercitive ne survit qu’à la condition de s’accompagner d’incitations positives et d’une constance institutionnelle. À cet égard, le ministère prévoit, dès 2026, une phase d’évaluation participative reposant sur des indicateurs précis de volume de déchets collectés et de taux de conformité des trottoirs. La perspective d’une extension graduelle de l’opération aux grandes agglomérations de Pointe-Noire et d’Oyo illustre la volonté d’inscrire la démarche dans une politique nationale articulée autour du verdissement de la croissance. En filigrane, c’est tout un pacte civique qui se dessine, où l’espace public redeviendrait le miroir de l’ambition collective congolaise.