Une session anniversaire de la Francophonie au fort parfum diplomatique
Lorsque la 50ᵉ session de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) s’est ouverte à Paris, l’agenda officiel célébrait avant tout l’unité linguistique et culturelle de l’espace francophone. Pourtant, dans les couloirs lambrissés du Palais Bourbon, un autre chapitre se dessinait : celui d’une redynamisation ciblée des relations entre Brazzaville et Paris. Reçu avec les égards dus à son rang, le président de l’Assemblée nationale du Congo, Isidore Mvouba, a trouvé en son homologue française, Yaël Braun-Pivet, une interlocutrice attentive aux subtilités d’une amitié historique, encore marquée par la profondeur des liens tissés depuis l’indépendance.
D’une voix mesurée, Isidore Mvouba a salué « la réussite technique et symbolique » de cette session anniversaire, tout en félicitant la présidente française pour sa réélection récente (Assemblée nationale française). Ce double geste, courtois et stratégique, a posé le décor d’un entretien orienté vers l’action, où la Francophonie sert de caisse de résonance à une coopération parlementaire que les deux parties désirent plus structurée et plus prévisible.
Les essentiels d’un protocole d’accord à réactiver
Au centre des discussions, la relance du protocole d’accord entre les deux Assemblées s’est imposée comme la colonne vertébrale du futur partenariat. Signé en 2014 mais en sommeil depuis plusieurs législatures, ce texte offre un cadre juridiquement souple pour faciliter les échanges d’expertise législative, l’harmonisation des procédures et l’organisation de missions conjointes d’observation électorale. Selon une source parlementaire française, « Réactiver ce document, c’est garantir que les bonnes intentions trouvent une traduction opérationnelle dans les commissions comme dans l’hémicycle ».
Le président Mvouba, conscient de la valeur ajoutée d’un tel instrument, a proposé que la nouvelle mouture intègre un volet numérique afin d’institutionnaliser les visioconférences entre commissions permanentes, un atout non négligeable à l’ère post-pandémie. Yaël Braun-Pivet s’est dite favorable à une signature rapide, envisageant même que le texte soit finalisé avant la fin du premier semestre parlementaire, un calendrier ressenti à Brazzaville comme un signal politique fort.
Bibliothèque parlementaire : un outil de soft power partagé
Au-delà des questions purement procédurales, la création d’une bibliothèque parlementaire à Brazzaville a émergé comme un symbole concret de solidarité intellectuelle. Le projet, estimé à un million d’euros, devrait s’articuler autour d’un fonds documentaire bilingue et d’un centre de formation à la recherche législative. Pour Isidore Mvouba, « disposer d’un tel espace, c’est donner à nos députés les moyens d’une production normative de haute facture ». L’Assemblée française, forte d’une longue tradition documentaire, apporterait un appui technique, depuis la conception architecturale jusqu’à la numérisation des archives nationales congolaises (Agence d’information d’Afrique centrale).
En coulisses, plusieurs fondations francophones auraient déjà manifesté leur intérêt pour cofinancer l’initiative, séduites par la perspective de renforcer la gouvernance par le savoir. L’opération, qui mobiliserait des imprimeurs et des start-up locales, s’inscrit parfaitement dans la stratégie nationale de diversification économique portée par le Plan national de développement 2022-2026 du Congo.
Suivi législatif des engagements Macron–Sassou Nguesso
Fidèles à la diplomatie de haut niveau incarnée par les visites croisées des présidents Denis Sassou Nguesso et Emmanuel Macron, les deux présidents d’Assemblée ont convenu de mettre en place un mécanisme de suivi parlementaire conjoint. Trois chantiers ont été jugés prioritaires : la modernisation du réseau électrique congolais grâce à un partenariat énergétique public-privé, le jumelage stratégique entre le port autonome de Pointe-Noire et l’Axe Seine, ainsi que la création à Brazzaville d’une Académie de lutte contre la criminalité environnementale.
L’ambition est claire : permettre aux commissions compétentes de chaque chambre de contrôler l’exécution des accords signés en mai dernier à Paris, de façon à transformer les engagements présidentiels en réalités tangibles pour les populations. En s’appuyant sur des rapports semestriels et des visites sur site, les parlementaires entendent instaurer une culture de redevabilité qui fait écho aux nouvelles exigences de transparence dans la gouvernance publique.
Vers une diplomatie parlementaire de proximité
Par-delà la solennité des grands accords, la rencontre a mis en lumière la dimension humaine d’une diplomatie parlementaire souvent invisible. L’invitation formelle lancée par Isidore Mvouba à Yaël Braun-Pivet pour une visite à Brazzaville pourrait intervenir dès le début de la prochaine session ordinaire. Un tel déplacement offrirait l’occasion d’élargir la coopération à la jeunesse parlementaire, via des stages croisés et des forums citoyens, dynamisant ainsi l’image institutionnelle du Congo auprès des décideurs français.
Avant de quitter l’hémicycle, le président Mvouba a signé le livre d’or de l’Assemblée nationale française, geste hautement symbolique qui consacre le respect mutuel des deux institutions. « Nos parlements, a-t-il déclaré, sont des ponts plus que des murs » ; une formule qui résume l’esprit du nouveau tempo coopératif entre Brazzaville et Paris, et qui laisse présager une consolidation durable des liens bilatéraux au service des objectifs de développement du Congo-Brazzaville.