Un troisième appui budgétaire stratégique pour Brazzaville
En séance plénière le 25 juin, la chambre haute du Parlement congolais a avalisé la ratification du contrat autorisant un appui budgétaire supplémentaire de 46,3 milliards FCFA, soit 70,6 millions d’euros. Pour la Banque mondiale, ce troisième appui à la République du Congo s’inscrit dans un cycle de soutien engagé en 2020 et qui, selon l’institution, vise à « accroître l’efficacité de la gestion des finances publiques et à stimuler une croissance inclusive ». Le ministre délégué aux Finances, Ludovic Ngatsé, a salué « la marque d’une confiance réaffirmée dans la trajectoire économique du pays », rappelant que les deux premières tranches – 27,28 milliards FCFA puis 8,06 milliards FCFA – avaient permis d’apurer des arriérés domestiques et de stabiliser la trésorerie de l’État.
Une séquence macroéconomique en transition
La facilité de crédit élargie conclue avec le Fonds monétaire international arrive à son terme après la sixième revue achevée en mars 2024. Ce basculement crée un moment charnière : le gouvernement doit préserver les avancées en matière d’équilibre budgétaire sans l’encadrement formel du FMI. L’injection de ressources par la Banque mondiale apporte une respiration bienvenue au moment où la dette publique se redresse progressivement, tombant sous la barre des 70 % du PIB. À moyen terme, l’exécutif ambitionne de ramener le déficit primaire non pétrolier sous les 5 % du PIB, un jalon que les analystes régionaux jugent atteignable à condition de maintenir une discipline rigoureuse sur la masse salariale et les subventions énergétiques.
Des réformes structurelles arrimées aux objectifs jeunesse
L’adossement du nouvel appui budgétaire au Plan national de développement 2022-2026 traduit la volonté de l’exécutif d’orienter les réformes vers les aspirations de la jeunesse, réaffirmées lors de la révision du PND en juin dernier. Les décaissements seront conditionnés à la progression de projets ciblant la formation professionnelle, l’entrepreneuriat des femmes et l’économie numérique. « La fenêtre démographique du Congo se refermera dans deux décennies ; il est impératif d’armer la nouvelle génération », insiste un haut fonctionnaire du ministère de la Planification. Les responsables de la Banque mondiale soulignent qu’une amélioration tangible du climat des affaires – procédures fiscales rationalisées, justice commerciale plus prévisible – demeure essentielle pour convertir l’appui budgétaire en emplois privés pérennes.
Santé et éducation comme vecteurs de cohésion sociale
Le contrat ratifié réserve une part substantielle des fonds à la consolidation des services sociaux de base. Dans le secteur de la santé, il est prévu d’élargir la couverture de la mutuelle nationale et de moderniser huit hôpitaux régionaux en priorité maternelle et néonatale. Côté éducation, le gouvernement entend poursuivre la réduction des effectifs pléthoriques par classe et accroître la part du budget de l’État allouée à la maintenance des infrastructures scolaires. La sénatrice Eugénie Lissouba, membre de la Commission économie et finances, estime que « l’alignement entre impératifs budgétaires et attentes sociétales est l’unique antidote aux tensions post-pandémie ». Les partenaires au développement convergent sur ce diagnostic, y voyant un levier de paix sociale et de capital humain.
Complémentarité avec le FMI et discipline budgétaire
Si l’accord FMI touche à sa fin, la coordination demeure étroite entre les équipes de Washington et celles de la Banque mondiale. Les deux institutions partagent un tableau de bord commun portant sur la transparence de la dette, la publication trimestrielle des états financiers de la Société nationale des pétroles du Congo et la mise en concurrence des contrats publics. Cette articulation limite le risque de relâchement que craignent certains observateurs. Pour le professeur Jean-Rosaire Ibara, économiste à l’Université Marien-Ngouabi, « le véritable test sera la capacité de l’administration à internaliser les bonnes pratiques au-delà des injonctions extérieures ». Le ministère du Budget assure pour sa part que la revue semestrielle du Programme d’accélération de la gouvernance institutionnelle permettra de pérenniser les gains.
Perspectives régionales et crédibilité financière
Le maintien de la notation souveraine B- stable par Standard & Poor’s la semaine dernière confirme que les marchés perçoivent l’appui budgétaire comme un catalyseur plutôt que comme une béquille. Dans un contexte sous-régional marqué par la volatilité des cours du pétrole et le ralentissement de plusieurs partenaires commerciaux, le Congo se place en position d’émetteur potentiel sur le marché des titres publics de la CEMAC dès 2025. Pour l’économiste camerounais Dieudonné Essomba, « le différentiel de croissance entre le Congo et ses voisins pourrait se creuser à la faveur de ces ressources concessionales, si elles se matérialisent en investissement productif ». Au-delà des chiffres, cet appui symbolise une confiance renouvelée dans la gouvernance financière impulsée par le président Denis Sassou Nguesso, et offre à Brazzaville l’opportunité d’ancrer durablement sa crédibilité dans la sphère financière internationale.