Brazzaville, nouveau carrefour de l’économie sociale
D’un regard extérieur, Brazzaville se conçoit souvent comme un trait d’union entre les deux rives du fleuve Congo. À l’orée de 2026, la capitale entend étendre cette vocation à la sphère de l’économie sociale et solidaire. C’est en effet sur ses rives que se tiendra, du 20 au 24 janvier, la seconde édition du Forum africain de l’économie sociale et solidaire (Fora’ess). Pour un pays qui a su préserver sa stabilité institutionnelle, faire de ce rendez-vous un succès revient à consolider un positionnement diplomatique déjà affirmé : celui d’un acteur fédérateur au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale.
Les assises préparatoires, achevées le 10 juillet dernier, ont mobilisé coopératives, mutuelles, fondations, associations, collectivités territoriales et agences internationales. Cette mobilisation illustre une tendance continentale : la volonté d’ancrer l’innovation sociale dans les politiques publiques de développement durable.
Un forum pensé comme réponse à la conjoncture mondiale
Le thème général – « Économie sociale et solidaire, moteur de résilience, de développement durable et inclusif en Afrique » – n’a rien d’anodin. Selon le président du forum, Malick Diop, « les modèles coopératifs offrent une réplique concrète aux limites révélées par les crises sanitaires, climatiques et financières récentes ». En filigrane, les organisateurs entendent démontrer que l’Afrique n’est pas seulement un réceptacle de solutions externes ; elle peut aussi façonner des instruments innovants de solidarité et de partage de la valeur.
En calibrant le programme sur des enjeux précis – gouvernance des coopératives, accès au financement patient, formalisation du secteur informel – le comité scientifique souhaite produire des recommandations susceptibles d’alimenter l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Brazzaville deviendrait ainsi, pendant cinq jours, un laboratoire d’idées continentales.
Un engagement gouvernemental pour l’inclusion et l’emploi
Le gouvernement congolais voit dans l’économie sociale un vecteur privilégié d’inclusion. « Elle crée des emplois durables, stimule l’innovation et renforce le lien social », souligne Inès Nefer Ingani Voumbo-Yalo, ministre de la Promotion de la femme, de l’Intégration de la femme au développement et de l’Économie informelle. Dans un pays où près de 80 % de l’activité urbaine gravite encore autour du secteur informel, l’argument résonne fortement auprès des artisans, des maraîchères ou des jeunes entrepreneurs numériques à la recherche d’un cadre juridique stable.
En soutenant le Fora’ess, l’exécutif manifeste aussi sa volonté d’harmoniser son Plan national de développement 2022-2026 avec les référentiels internationaux – objectifs de développement durable des Nations unies et Agenda 2030 sur la finance inclusive. Les retombées attendues vont au-delà de l’hexagone congolais : elles concernent toute la sous-région, souvent confrontée aux mêmes défis structurels.
Des partenariats stratégiques au service de la croissance verte
Le succès d’un tel forum se mesure à la qualité des synergies qu’il suscite. Déjà, plusieurs institutions – Banque africaine de développement, Agence française de développement, Organisation internationale du travail – ont exprimé un intérêt marqué pour accompagner des initiatives pilotes issues des travaux. Les discussions préliminaires portent sur la mise en place d’une facilité de garantie destinée aux structures de l’économie sociale. L’idée est de desserrer la contrainte financière tout en enracinant des projets dans les territoires.
Par ailleurs, les collectivités locales congolaises désirent profiter de l’événement pour nouer des jumelages techniques avec des villes pionnières de la coopération solidaire, à l’instar de Barcelone ou Montréal. Le maire de Brazzaville, Dieudonné Bantsimba, estime que de tels ponts institutionnels « peuvent accélérer le transfert de compétences sur la gestion participative des services urbains ».
Cap sur 2026 : un agenda qui dépasse l’événementiel
Si l’organisation matérielle – logistique, protocole, sécurité – mobilise déjà un comité local dédié, l’enjeu dépasse le simple rayonnement événementiel. Les porteurs du Fora’ess ambitionnent de laisser un héritage tangible : un observatoire permanent de l’économie sociale en Afrique centrale, hébergé à Brazzaville, chargé de suivre les indicateurs de création d’emplois, d’impact environnemental et de participation citoyenne.
À six mois des premières réunions thématiques, les experts s’accordent pour dire que le contexte régional, marqué par une quête de diversification économique et une démographie dynamique, offre une fenêtre d’opportunité inédite. En misant sur des mécanismes coopératifs, le Congo-Brazzaville entend réaffirmer une diplomatie de solutions : celle qui conjugue stabilité politique et innovation sociale afin de renforcer la résilience collective. Le rendez-vous de janvier 2026 pourrait bien sonner comme un signal d’une Afrique consciente de ses atouts et décidée à écrire, depuis Brazzaville, une page nouvelle de son développement.