Le sceau officiel d’un partenariat public-multilatéral
En signant, à Brazzaville, l’accord fondateur de l’initiative « Congo créatif 2030 », le ministre de la Recherche scientifique et de l’Innovation technologique, Rigobert Maboundou, et la représentante résidente du Programme des Nations unies pour le développement, Adama Dian-Barry, ont donné une traduction institutionnelle à une ambition plusieurs fois exprimée par les autorités congolaises : ériger l’innovation en axe matriciel du développement économique. Point d’orgue d’un dialogue entamé depuis près d’un an avec les agences onusiennes, la cérémonie du 15 juillet marque l’entrée en vigueur d’un cadre opérationnel doté, selon les premières indications, d’un financement mixte, mobilisant ressources publiques, concours multilatéraux et capitaux privés.
Une passerelle stratégique avec la Vision 2030 congolaise
Le positionnement du programme s’inscrit en résonance avec la Vision 2030 et le Plan national de développement 2022-2026, qui assignent à la recherche appliquée le rôle de levier pour diversifier une économie historiquement adossée aux hydrocarbures. À cet égard, « Congo créatif 2030 » ambitionne de territorialiser l’innovation à travers des pôles régionaux, tout en articulant un cadre incitatif pour les start-up technologiques. L’objectif, rappelle le ministre Maboundou, est d’« apporter une ossature institutionnelle à la promesse de l’intelligence collective », en veillant à l’alignement avec les feuilles de route panafricaines relatives à la quatrième révolution industrielle.
Du laboratoire au marché : sécuriser la chaîne de valeur
Concrètement, l’accord prévoit l’incubation de projets issus des universités, l’accompagnement juridique des inventeurs et l’accès facilité aux marchés publics afin d’assurer la maturation commerciale des prototypes. Les acteurs privés, notamment dans le secteur bancaire, ont été invités à mettre en place des instruments de capital-risque libellés en monnaie locale pour amortir la volatilité du franc CFA, un paramètre jugé crucial par les analystes. Pour Adama Dian-Barry, il s’agit de « transformer les idées en prototypes, les prototypes en entreprises et les entreprises en solutions ». Cette articulation ascendante entend contenir la fuite des cerveaux en offrant aux jeunes chercheurs une perspective entrepreneuriale domestique.
La jeunesse congolaise, vecteur et bénéficiaire
Le Congo compte près de 60 % de sa population âgée de moins de trente ans. Cette donnée démographique confère à l’initiative une dimension sociétale majeure : canaliser la créativité foisonnante vers des filières à haute valeur ajoutée. Les hackathons pilotes organisés en 2023 ont déjà révélé des solutions de télémédecine en zones rurales et des applications de traçabilité agricole, démontrant l’appétence des jeunes pour l’entrepreneuriat numérique. Pour la sociologue Élodie Massamba, « l’innovation est ici perçue non seulement comme un outil de croissance, mais aussi comme une narrative d’inclusion ». En favorisant la mixité genre dans les cohortes d’incubation, le programme entend corriger les asymétries encore notables dans les disciplines STEM.
Un positionnement diplomatique de l’économie de la connaissance
Au-delà des considérations domestiques, Brazzaville mise sur cet accord pour renforcer son soft power régional. La diplomatie économique congolaise, active au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, voit dans « Congo créatif 2030 » un instrument de rayonnement susceptible d’attirer des centres de recherche partenaires et de capter des financements verts. L’accent mis sur les technologies propres, notamment la valorisation des déchets urbains et la gestion optimisée des bassins fluviaux, répond aux engagements climatiques pris dans le cadre de l’Accord de Paris.
Gouvernance, indicateurs et cap sur 2030
Sur le plan de la gouvernance, un comité mixte ministère-PNUD supervisera l’attribution des subventions compétitives, tandis qu’un tableau de bord public, mis à jour semestriellement, rendra compte des prototypes labellisés, des brevets déposés et des emplois créés. Les autorités se montrent confiantes : l’objectif est de hisser la part du secteur des technologies de l’information et de la communication à 8 % du PIB d’ici sept ans, contre environ 3 % aujourd’hui, en tirant parti du déploiement annoncé de la fibre optique transnationale Central African Backbone.
Une feuille de route ouverte, des attentes mesurées
L’accord brazzavillois intervient à un moment où nombre d’États africains structure leurs propres agences d’innovation. Les observateurs saluent donc la synchronisation entre volonté politique, accompagnement multilatéral et exigence de redevabilité. Les défis demeurent, à commencer par la sécurisation de la propriété intellectuelle et la nécessité d’un enseignement supérieur davantage arrimé aux impératifs industriels. Toutefois, la clarté des engagements formulés par chaque partie prenante confère à « Congo créatif 2030 » un atout de crédibilité rare dans la sous-région.
Vers une économie résiliente et compétitive
En catalysant la recherche et le tissu entrepreneurial, le programme entend contribuer à la résilience macro-économique du pays, prémunissant celui-ci des chocs exogènes qui affectent les marchés de matières premières. Le gouvernement y voit une passerelle vers une diversification effective, tandis que le PNUD y lit une matérialisation de l’Agenda 2030 pour le développement durable. À l’heure où la compétition technologique s’intensifie, Brazzaville se dote ainsi d’un dispositif institutionnel susceptible de convertir le potentiel créatif national en un avantage comparatif durable.