Assainissement urbain et affirmation de l’État
Le 5 juillet 2025, le ministre de l’assainissement urbain, du développement local et de l’entretien routier, Juste Désiré Mondelé, a réuni maires, forces de sécurité et gestionnaires de marchés pour annoncer une opération de déguerpissement d’envergure. Le message est clair : les emprises publiques doivent être restituées à leur vocation civique. Cette injonction, relancée moins de deux ans après la campagne « Ensemble, gardons nos villes propres », renforce la posture de l’État comme garant de l’ordonnancement urbain. Pour les diplomates en poste à Brazzaville, l’initiative constitue un signal tangible de l’autorité administrative, indispensable à la stabilité juridique que recherchent investisseurs et organisations internationales.
Une dynamique inscrite dans les agendas climatiques africains
Le choix de relancer la salubrité urbaine trouve une justification supplémentaire dans les engagements climatiques adoptés par la République du Congo lors du Sommet sur les écosystèmes, la biodiversité et les forêts tropicales de 2023. En réaffirmant le lien entre propreté des centres urbains et préservation des écosystèmes, Brazzaville s’aligne sur les orientations de l’Union africaine et de l’Agenda 2063. Le déguerpissement des épaves, souvent point de départ d’écoulements d’hydrocarbures, participe à la réduction des pollutions diffuses soulignées par le Programme des Nations unies pour l’environnement. Ainsi, l’opération n’a pas uniquement une portée sécuritaire ; elle traduit une articulation entre gouvernance locale et politique environnementale globale.
Conséquences économiques : attractivité et inclusion
Au marché Bernard Kolélas, la réorganisation des étals vise à fluidifier la circulation de marchandises et d’usagers. Les observateurs économiques notent que l’occupation anarchique des trottoirs générait des pertes logistiques évaluées, par la chambre de commerce, à plusieurs dizaines de millions de francs CFA chaque trimestre. La mise en conformité des commerçants avec des normes sanitaires plus strictes devrait aussi soutenir l’émergence de chaînes de valeur alimentaires locales. Toutefois, le ministère n’ignore pas la dimension sociale : la création d’un groupe d’organisation du marché répond à la nécessité de ne pas marginaliser les petits opérateurs. Cette conciliation entre rigueur de l’autorité et accompagnement trouve un écho dans les recommandations de la Banque africaine de développement, qui promeut des politiques « inclusives et viables ».
Sécurité publique et perception internationale
Les rues libérées des véhicules abandonnés facilitent le déploiement des services d’urgence et réduisent la vulnérabilité aux actes d’incivilité. Le ministre a rappelé que « le temps des avertissements est révolu », une déclaration interprétée par plusieurs chancelleries comme la volonté de consolider l’État de droit urbain. Pour les partenaires techniques, une capitale perçue comme ordonnée est plus à même d’accueillir conférences régionales et délégations économiques. Cette dimension symbolique résonne d’autant plus que Brazzaville abritera, selon des sources diplomatiques, un forum panafricain sur la résilience des villes tropicales en 2026.
La diplomatie de la propreté, un message aux partenaires
En Afrique centrale, l’image projetée par une capitale influence la capacité d’un État à se positionner dans les négociations régionales. En orchestrant un déguerpissement « XXL », Brazzaville démontre qu’elle peut répondre aux standards de sécurité sanitaire parfois exigés par l’Organisation mondiale de la santé et par l’Organisation internationale du tourisme. Dans les cercles diplomatiques, la cohérence entre discours et action renforce la crédibilité du gouvernement. Au-delà des considérations pratiques, la salubrité devient un vecteur de soft power : elle témoigne d’une gestion proactive et d’une ouverture aux partenariats verts promus par l’Union européenne et la Chine dans leurs politiques de coopération.
Perspectives de pérennisation et gouvernance partagée
Le pari du ministre Mondelé consiste à inscrire l’effort dans la durée : le premier samedi de chaque mois sera désormais consacré à des opérations de nettoyage supervisées. Plusieurs municipalités expérimentent déjà des comités mixtes réunissant sociétés civiles, forces de sécurité et représentants des commerçants. L’approche collaborative répond aux recommandations des experts de l’ONU-Habitat, selon lesquels la durabilité d’un assainissement urbain dépend autant de la sensibilisation que de la sanction. Les diplomates qui suivent le dossier estiment que la réussite de l’initiative pourrait servir de modèle à d’autres capitales de la sous-région, intéressées par une « coproduction de la sécurité urbaine ».
Un chantier institutionnel à haute valeur symbolique
En somme, la campagne de déguerpissement irrigue plusieurs dimensions de la gouvernance congolaise : rétablissement de l’autorité, valorisation du patrimoine urbain, réponse aux engagements climatiques et renforcement de l’attractivité économique. La fermeté affichée par le ministère signale la détermination de l’appareil d’État à réformer l’espace public sans délai. Si la modernité d’une ville se mesure souvent à la qualité de ses trottoirs, la diplomatie congolaise mise sur une équation simple : une capitale propre est une carte de visite stratégique, porteuse d’opportunités et de confiance.