La CEMAC en ordre de marche
A quatre jours de l’ouverture de la 44e session ordinaire du conseil des ministres de l’Union économique de l’Afrique centrale à Brazzaville, le comité inter-État de la CEMAC s’est réuni pour peaufiner la copie budgétaire qui sera présentée aux chefs de département financier.
Présidée par le Camerounais Éric Mbéndé, la rencontre a réuni, dans un hôtel du centre-ville, des experts issus des six pays membres, dont la République du Congo, qui assume la coordination logistique de la session ministérielle prévue le 31 octobre.
Objectif affiché : consolider un projet de budget 2026 chiffré à 85,9 milliards de FCFA, soit une progression modérée de 2,4 % par rapport à l’exercice en cours, et s’assurer qu’il réponde aux priorités d’intégration sous-régionale fixées par les États membres de la communauté.
Les chiffres clés du budget 2026
Selon la note technique distribuée aux délégués, plus de 60 % des ressources proviendront des recettes propres, tandis que 32 % seront garanties par des partenaires extérieurs, parmi lesquels la Banque africaine de développement et l’Union européenne, déjà engagées sur plusieurs projets d’infrastructures.
Le chapitre investissement atteint à lui seul 31 milliards de FCFA, avec un accent sur la digitalisation des procédures douanières et la mise à niveau des corridors routiers Douala-Ndjamena et Pointe-Noire-Brazzaville, considérés comme stratégiques pour fluidifier les échanges intracommunautaires.
En fonctionnement, la masse salariale reste maîtrisée sous le seuil de 18 milliards, grâce à la politique d’optimisation des effectifs lancée en 2024, tandis que les dépenses de mission sont plafonnées, sur recommandation des ministres des Finances, à 4,2 milliards, contre 5 milliards l’an dernier.
La TCI, nerf de la guerre
Malgré ces signaux encourageants, la Taxe communautaire d’intégration, qui représente habituellement plus de la moitié des recettes, affiche une baisse de près d’un milliard de FCFA, un recul jugé préoccupant par plusieurs États, dont le Congo, principal hub logistique.
Cette situation nous interpelle tous , a insisté Éric Mbéndé, exhortant la Commission à accélérer le nouveau mécanisme de collecte automatique déployé aux frontières et à solder les arriérés cumulés, condition indispensable pour réaliser les programmes de transformation adoptés lors du dernier audit.
Le vice-président de la Commission, le Camerounais Charles Assamba Ongodo, a rappelé que la sécurité des recettes restait « la clé d’un instrument budgétaire robuste », apte à couvrir fonctionnement, équipements et investissements structurants, tout en garantissant la poursuite de l’intégration économique dans la sous-région.
Dans les couloirs, plusieurs experts évoquent l’instauration possible de sanctions douanières graduelles pour les opérateurs qui ne reversent pas la taxe, une option qui devrait être discutée mardi par les ministres, alors que la conjoncture internationale demeure marquée par des incertitudes sur les marchés.
Quels bénéfices pour Brazzaville et ses voisins
Pour la République du Congo, l’adoption rapide du budget représente une opportunité de consolider les plateformes portuaires de Pointe-Noire et de moderniser le tronçon final de la RN1, travaux inscrits dans le portefeuille 2026 et susceptibles de générer des milliers d’emplois locaux supplémentaires.
Les opérateurs pétroliers basés à Pointe-Noire misent également sur la fluidification du corridor vers Douala pour réduire les coûts logistiques, tandis que les PME brazzavilloises espèrent un marché régional plus prévisible pour développer les filières agroalimentaires et les services numériques locaux.
Plus largement, les économies membres pourraient profiter d’un alignement progressif des politiques fiscales, prévu par la feuille de route 2024-2028, afin de limiter la concurrence déloyale et améliorer l’attractivité des investissements, notamment dans les énergies renouvelables et l’économie digitale au sein de la sous-région.
Quels signaux attendre de la 44e session
Le conseil des ministres de mardi devrait entériner le passage au budget-programme, un cadre de gestion axé sur les résultats qui permettra, selon la commission, de rendre les dépenses plus transparentes et de faciliter l’évaluation des performances par les parlements nationaux respectifs.
Un deuxième point attendu porte sur la rationalisation des institutions régionales, sujet sensible puisque la CEMAC coexiste encore avec la CEEAC. Les ministres pourraient clarifier le partage des mandats, afin d’éviter les doublons et concentrer les moyens sur les projets à forte valeur ajoutée.
Enfin, le dossier de la monnaie unique, régulièrement soulevé depuis le sommet de N’Djamena en 2023, figure à l’agenda sans décision attendue à court terme; les responsables devraient toutefois réaffirmer la volonté politique de moderniser le franc CFA et de renforcer la supervision bancaire.
Au sortir de la réunion, le ministre congolais des Finances, Jean-Baptiste Ondaye, a déclaré à la presse vouloir « porter un message de pragmatisme », estimant que la priorité restait de sécuriser les ressources avant de lancer de nouveaux chantiers institutionnels ou infrastructurels dans la sous-région.
Les consultations se poursuivront jusqu’au lundi soir pour finaliser les annexes techniques, tandis que les délégations continuent d’affluer à Maya-Maya. Tous les regards seront donc braqués sur Brazzaville, qui espère inscrire cette 44e session sous le sceau de l’efficacité et de l’unité.
