Vers un partenariat maritime stratégique Brazzaville-Le Caire
Le 1ᵉʳ juillet, au cœur du quartier diplomatique de Brazzaville, l’ambassadrice d’Égypte Imane Samy Yakout et le secrétaire permanent du Comité interministériel de l’action de l’État en mer et dans les eaux continentales, Éric Olivier Sébastien Dibas-Franck, ont esquissé les lignes d’un futur mémorandum de coopération portant sur la sécurité maritime. S’il ne s’agit encore que d’un échange préliminaire, la teneur des propos laisse entrevoir une convergence rare entre deux capitales africaines soucieuses de conjuguer stabilité régionale et essor économique. Pour Brazzaville, dont la façade atlantique n’excède pas 170 kilomètres mais dont le réseau fluvial irrigue tout le bassin du Congo, la sécurisation des routes maritimes est devenue un impératif souverain. Le Caire, pour sa part, voit dans cette collaboration un moyen de densifier son ancrage continental au-delà des mers Rouge et Méditerranée.
Les impératifs sécuritaires dans le Golfe de Guinée
Le Golfe de Guinée concentre aujourd’hui près de 30 % des incidents de piraterie recensés en Afrique, selon les dernières données de l’Organisation maritime internationale. Trafic illicite de pétrole, immigration irrégulière, pêche illégale et pollution volontaire s’y entremêlent. Pour le Congo, acteur pivot de cette façade Atlantique, la montée en puissance d’une sécurité coordonnée n’est donc pas un luxe, mais une condition sine qua non pour protéger les couloirs de navigation qui alimentent aussi bien Pointe-Noire que les ports voisins de la sous-région. Dans cet environnement chahuté, toute alliance susceptible d’augmenter la surveillance côtière et d’améliorer l’interopérabilité des forces navales est scrutée avec intérêt par les chancelleries présentes à Brazzaville.
L’expertise égyptienne au service de la sûreté portuaire congolaise
Forte de son contrôle stratégique du canal de Suez, l’Égypte a développé un savoir-faire reconnu en matière de gestion de trafic maritime, de cybersécurité portuaire et de lutte contre la pollution. Le Caire abrite également un bureau régional de l’Organisation maritime internationale, ce qui confère à ses diplomates un accès immédiat aux normes et bonnes pratiques les plus récentes. En mettant cette expertise à la disposition de Brazzaville, l’Égypte renforce son image d’acteur africain de la sécurité collective. De l’avis de la professeure Salma Hassan, spécialiste de droit maritime à l’Université d’Alexandrie, « un tel transfert de compétences sud-sud consolidera la résilience portuaire congolaise, tout en projetant la diplomatie de sécurité égyptienne au-delà de la Méditerranée ».
L’économie bleue congolaise, nouveau levier de croissance durable
La Stratégie nationale pour la mer et les eaux continentales, entérinée le 6 juin à Brazzaville, ambitionne de porter la contribution de l’économie bleue à près de 10 % du produit intérieur brut congolais d’ici à 2030. Aquaculture, transport fluvial, câbles sous-marins, énergies marines renouvelables : autant de créneaux qui exigent un environnement sûr et prévisible pour attirer capitaux et savoir-faire. L’exemple égyptien, où la modernisation des infrastructures du canal de Suez a dopé les recettes nationales, sert de boussole. En harmonisant leurs réglementations et en mutualisant la surveillance des voies d’eau, les deux États entendent doper la compétitivité de leurs plateformes logistiques tout en réduisant l’empreinte carbone de leurs échanges.
Diplomatie maritime africaine et multilatéralisme coopératif
Au-delà des considérations bilatérales, le rapprochement entre Brazzaville et Le Caire s’inscrit dans l’esprit de la Stratégie africaine intégrée à l’horizon 2050 pour les océans et les mers. En privilégiant une approche inclusive associant acteurs publics, armateurs privés et organisations régionales, les deux capitales donnent corps à un multilatéralisme pragmatique. Le représentant de l’Union africaine à Addis-Abeba salue ainsi « une dynamique susceptible de catalyser la mise en réseau des centres de fusion d’information maritime », pierre angulaire de la lutte contre la criminalité transfrontalière. De même, la Banque africaine de développement observe que la réduction du coût du risque sur les polices d’assurance maritime pourrait accélérer la fluidité des échanges intra-africains.
Perspectives d’un mémorandum et feuille de route partagée
La signature annoncée d’un mémorandum de coopération formalisera un calendrier d’actions conjointes : stages d’immersion pour officiers congolais dans les académies navales égyptiennes, installation de radars côtiers interopérables, échanges de données en temps réel et exercices communs de lutte contre la pollution. À en croire Éric Olivier Sébastien Dibas-Franck, « la crédibilité de notre stratégie maritime nationale repose sur la montée en compétence de nos institutions et sur la confiance de nos partenaires ». Les milieux diplomatiques brazzavillois envisagent déjà une extension de la coopération aux domaines portuaire et logistique, synonyme d’opportunités nouvelles pour les opérateurs de Pointe-Noire. Si la conjoncture géopolitique mondiale demeure mouvante, la convergence Congo-Égypte offre un exemple tangible d’intégration africaine par la mer, fondée sur des intérêts partagés et le respect de la souveraineté de chaque État.