Un cap sanitaire et urbain
Le 15 octobre 2025, le gouvernement a présenté un plan décennal d’assainissement visant la période 2025-2035. L’objectif déclaré est de diminuer nettement l’incidence des maladies liées à l’insalubrité dans la capitale, où les résidus sur la chaussée demeurent un défi quotidien.
Pour le ministre de l’Assainissement urbain, Juste Désiré Mondelé, « l’assainissement est la base même du bien-être ; il ne s’agit pas seulement de propreté, mais d’un véritable investissement social ». Le ton est donné : conjuguer esthétique urbaine et lutte sanitaire.
Une élaboration participative
Le plan est né d’ateliers auxquels ont participé maires, chefs d’arrondissements, entreprises spécialisées et associations de quartier. Cette méthode ascendante a permis de dresser une cartographie précise des points noirs, des marchés encombrés aux berges du Djoué.
Les élus ont listé plus de 120 recommandations, allant de la création de micro-décharges contrôlées à l’adoption d’horaires fixes de collecte. « Nous voulions un document qui ressemble aux réalités de chaque arrondissement », souligne Romain Boukaya, conseiller municipal de Poto-Poto.
Financements et partenaires
Sur le plan financier, le projet sera épaulé par l’Unicef pour la composante eau-hygiène et par la Banque africaine de développement pour les travaux lourds. D’autres bailleurs, dont la Coopération japonaise, ont manifesté un intérêt de principe, selon le ministère.
Le coût global reste confidentiel, le gouvernement préférant communiquer après la finalisation des études d’impact. Des sources internes évoquent toutefois une enveloppe équivalente à 1,2 % du PIB annuel, répartie sur dix ans, ce qui témoigne de l’ampleur de l’engagement.
Une part significative des ressources proviendra des recettes de la Redevance d’assainissement urbain, perçue sur les factures d’eau depuis 2024. Son taux, actuellement de dix francs CFA par mètre cube, devrait être réévalué après consultation des usagers.
Axes majeurs du programme
Première brique : un cadre législatif remanié. Un avant-projet de loi sur la gestion des déchets ménagers sera présenté au Parlement début 2026 afin de clarifier les responsabilités des ménages, des collectivités et des prestataires privés.
Le deuxième axe porte sur les infrastructures : réhabilitation de 37 points de transfert, acquisition de 60 camions bennes, et construction d’une station de compostage pilote dans la périphérie nord. Ces investissements devraient réduire le temps de transit des ordures de 48 %.
Selon la Direction générale de la propreté, le programme générera près de 2 800 emplois directs, du conducteur d’engin au technicien de laboratoire chargé de surveiller la qualité des eaux de ruissellement; un coup de pouce bienvenu pour la jeunesse urbaine.
Troisième volet, la sensibilisation. Une campagne multimédia baptisée « Ville saine, vie sereine » prévoit des spots radio en lingala et en kituba, des ateliers scolaires et la formation de 500 agents communautaires chargés de rappeler les gestes hygiéniques de base.
Impact attendu sur la santé publique
D’après les chiffres du Programme élargi de vaccination, les maladies diarrhéiques représentent encore 14 % des admissions pédiatriques à Brazzaville. Les projections ministérielles visent à ramener ce taux sous la barre des 5 % d’ici 2031.
Le docteur Mireille Oko, infectiologue à l’hôpital de Makélékélé, salue le calendrier : « Une ville propre, c’est moins de moustiques, moins de bactéries dans l’eau stagnante ». Elle estime qu’un enfant sur deux souffre encore d’affections évitables faute de collecte régulière.
À moyen terme, la réduction de la charge pathologique devrait libérer des lits et abaisser la facture de soins pour les ménages. L’OMS rappelle qu’un dollar investi dans l’assainissement peut générer jusqu’à cinq dollars d’économies en dépenses de santé.
Outre la santé, le plan mise sur une réduction de 30 % des émissions de méthane issues des décharges à ciel ouvert. L’installation de torchères et le captage du biogaz sont envisagés afin de transformer ce gaz en source énergétique locale.
Prochaines étapes de mise en œuvre
Dès janvier 2026, un comité de pilotage multisectoriel publiera un tableau de bord trimestriel. Les indicateurs suivront le taux de collecte, la densité des dépôts sauvages et la prévalence des pathologies hydriques dans les centres de santé de référence.
Les pouvoirs publics entendent également encourager le recyclage naissant. Une plateforme numérique géolocalisera les points de dépôt des plastiques, tandis qu’un partenariat avec des start-up locales ouvrira la voie à la valorisation des biodéchets en engrais.
Dans l’immédiat, la mairie de Brazzaville prévoit une vaste opération de curage des caniveaux avant la grande saison des pluies. La réussite du plan dépendra toutefois de la discipline collective : déposer les ordures dans les bacs reste le geste décisif.
« Le gouvernement trace une direction, mais chaque riverain doit la suivre », résume le sociologue Julien Bemba. L’enjeu dépasse la santé : un environnement propre renvoie une image accueillante et accroît l’attractivité économique de la capitale, souligne-t-il.
La diaspora congolaise, très active sur les réseaux sociaux, est invitée à relayer les bonnes pratiques. Le ministère prévoit des webinaires d’information en direction des ressortissants installés à Paris, Montréal ou Kinshasa, afin qu’ils deviennent « ambassadeurs de la propreté ».