Un événement inscrit dans la politique culturelle nationale
Le samedi 26 juillet 2025, la Maison Russe de Brazzaville a accueilli la première édition du Grand atelier littéraire, initiative conduite par l’écrivain et critique David Gomez Dimixson. L’affluence d’universitaires prestigieux, au premier rang desquels les professeurs Yvon-Pierre Ndongo Ibara et Mukala Kadima Nzuji, rappelle que la diplomatie culturelle du Congo-Brazzaville s’appuie de plus en plus sur des plateformes intellectuelles d’envergure. En ouvrant la rencontre, les organisateurs ont souligné « l’appui décisif des autorités à la promotion du livre, maillon essentiel du vivre-ensemble ». Cette articulation entre stratégie nationale et initiatives privées illustre la volonté des pouvoirs publics de diversifier les leviers de soft power congolais.
Placée sous la bannière « De la mémoire au futur : la littérature construit les ponts », la manifestation a reçu l’onction des acteurs institutionnels de la culture, conscients que les lettres demeurent un terrain de cohésion dans un espace politique qui se projette vers l’horizon 2030. Brazzaville confirme ainsi son statut de carrefour intellectuel d’Afrique centrale, renforçant une image de stabilité et de créativité souvent saluée par les chancelleries étrangères.
La littérature, archiviste d’une mémoire partagée
Invité en qualité de panéliste, l’écrivain et magistrat Prince Arnie Matoko a rappelé que « la littérature est un recours privilégié pour réhabiliter la mémoire collective et individuelle, repenser le passé afin de mieux agir au présent ». Cette approche rejoint les orientations de la Commission nationale de l’UNESCO, pour qui la sauvegarde du patrimoine immatériel passe par la circulation des œuvres et la transmission orale. En évoquant son ouvrage Le Livre de ma grand-mère, l’auteur a démontré comment la fiction s’érige en témoin d’une historicité parfois absente des archives officielles, tout en célébrant l’héritage des aïeux.
La mémoire, conçue comme matrice d’un avenir commun, trouve dans l’écriture un conservatoire vivant. Les interventions de David Gomez Dimixson, s’appuyant sur Redire les mots anciens et La chorale des mouches, ont étayé l’idée que réanimer les mythes fondateurs participe à la réconciliation des imaginaires post-coloniaux. Dans un contexte mondial où la « bataille du récit » façonne les rapports de force, le Congo, par ses écrivains, consolide un discours nuancé, soucieux de conjuguer fidélité aux racines et ambition de modernité.
Un dialogue intergénérationnel au service de la cohésion
La variété des publics réunis à la Maison Russe illustre l’aspiration d’une jeunesse urbaine à dialoguer avec ses aînés. Les témoignages du passionné Maloula et de l’écrivain Isaac Itoua ont esquissé des passerelles de transmission qui vont bien au-delà du champ littéraire stricto sensu. Les vers déclamés par le comédien Fortuné Batéza, rehaussés par les mélodies des rappeurs Jessy B., KB le Roi et du chanteur gospel Darius M. Rap, ont opéré une fusion entre oralité ancestrale et cultures populaires contemporaines.
Cette suture générationnelle s’avère d’autant plus stratégique qu’elle participe à la prévention des fractures sociales. Dans leurs échanges, les participants ont insisté sur la nécessité d’intégrer la littérature dans les programmes scolaires réformés, conformément aux orientations du Plan national de développement, afin de consolider un sentiment d’appartenance qui transcende les clivages régionaux ou socio-économiques.
Rayonnement régional et enjeux diplomatiques
Le choix de Brazzaville comme scène d’un atelier littéraire de cette ampleur n’est pas anodin. Capitale historique des indépendances africaines, la ville se positionne de nouveau comme plaque tournante des idées. Des diplomates accrédités, croisés dans les travées, confiaient « observer avec intérêt la capacité des lettres congolaises à se faire vecteur de soft power ». La tenue de l’événement dans les locaux de la Maison Russe confirme, par ailleurs, la vigueur des partenariats culturels noués par le Congo avec de grandes puissances, élargissant l’espace de coopération Sud-Sud et Nord-Sud.
Cette dynamique rejoint les priorités dessinées par l’Union africaine, qui milite pour une diplomatie culturelle fédératrice. En valorisant ses auteurs, le Congo renforce sa crédibilité sur des dossiers tels que la protection des langues nationales ou la lutte contre le trafic illicite des biens culturels. Autant d’axes susceptibles d’alimenter une politique étrangère tournée vers l’innovation et la paix.
Perspectives : écrire pour gouverner le temps
À l’issue des débats, un consensus s’est dégagé : la littérature, loin d’être un simple divertissement, structure une vision du temps propice à la gestion des défis contemporains, qu’il s’agisse de la transition numérique ou de l’urgence climatique. Les organisateurs ont d’ores et déjà annoncé une deuxième édition consacrée aux « voix féminines et écologie littéraire », confirmant la vocation évolutive de l’atelier.
Dans la perspective du Forum mondial de la francophonie prévu à Brazzaville, l’initiative arrive à point nommé pour consolider un agenda diplomatique où la culture sert de passerelle. « Écrire, c’est bâtir des institutions invisibles », a résumé le Dr Winner Franck Palmers, faisant écho aux orientations nationales qui placent l’économie créative au cœur de la diversification. Ainsi, la plume congolaise, forte de son ancrage mémoriel, trace des routes vers 2050, offrant au pays un capital symbolique apte à nourrir sa projection internationale.