Conjuguer diplomatie éducative et sécurité intérieure
À Brazzaville, la salle de conférence de l’Institut national de la jeunesse et des sports a résonné d’un vocabulaire où la pédagogie se mêlait à la stratégie sécuritaire. Quarante fonctionnaires, éducateurs et psychologues ont investi quatre jours d’échanges pour synchroniser leurs pratiques face à une délinquance juvénile désormais perçue comme une question de stabilité nationale. Aux côtés de la délégation congolaise, l’Unesco a rappelé que la prévention des violences figure parmi les marqueurs d’une diplomatie éducative exigeant des partenariats techniques plutôt qu’une simple assistance symbolique. La rencontre a donc mobilisé des ressources académiques, mais aussi une grammaire géopolitique faisant du capital humain un instrument de sécurité intérieure.
Unesco et Congo-Brazzaville, une synergie renouvelée
Brice Kamwa-Ndjatang, représentant-résident adjoint de l’agence onusienne, a salué « des actes concrets » déjà perceptibles. La référence à l’Agence nationale d’insertion et de réinsertion sociale des jeunes, créée par décret présidentiel, souligne la volonté de structurer la coopération sur le long terme. Dans le sillage de la feuille de route 2022-2026 du Ministère de la jeunesse, cette synergie nourrit une approche pragmatique : doter les encadrants de protocoles d’intervention, recueillir des données, puis convertir ces retours d’expérience en ajustements législatifs. La singularité du partenariat réside dans la place accordée au terrain : les futurs comités socio-éducatifs promis dans chaque centre d’accueil devraient servir de vigies locales, capables d’alerter la décision publique avant l’émergence de points chauds.
L’ingénierie de la prévention, au-delà du terrain sportif
Historiquement, l’INJS formait des entraîneurs et des professeurs d’EPS. La session brazzavilloise l’a fait basculer dans l’ingénierie sociale. Les formateurs se sont penchés sur les moteurs psychosociaux de la violence urbaine, des dynamiques de groupes informels aux nouvelles cultures numériques qui banalisent la transgression. Les violences basées sur le genre ont reçu une attention spécifique ; l’objectif consiste à outiller les encadrants pour repérer les signaux faibles, écouter sans stigmatiser et orienter vers les services compétents. Les modules ont privilégié des scénarios interactifs inspirés de cas congolais, afin d’éviter les solutions plaquées. En filigrane, l’État mise sur la capillarité sportive pour toucher des quartiers isolés : une fédération locale d’arts martiaux peut devenir relais de médiation, à condition que ses cadres assimilent la dimension genre et droits humains.
Vers une articulation multisectorielle pérenne
La prévention n’a de sens qu’appuyée par la justice, la santé et l’enseignement général. C’est la raison pour laquelle la méthodologie retenue requiert, à l’issue de l’atelier, la rédaction de protocoles inter-ministériels. Le Ministère de la santé travaille déjà à un référentiel de prise en charge médico-psychologique des adolescents auteurs comme victimes de violences. La chancellerie, quant à elle, planche sur des dispositifs de justice restaurative à faible coût, afin d’éviter l’engorgement des tribunaux pour mineurs. La transversalité est devenue un mantra ; elle reste néanmoins tributaire de budgets consolidés et d’un calendrier unique d’évaluation. Les participants ont proposé un tableau de bord semestriel qui croise indicateurs de récidive, taux de scolarisation rétablie ou encore participation à la vie associative.
La délicate mesure du succès, enjeux et perspectives
Au terme des quatre jours, un sentiment d’optimisme raisonné dominait. La réussite ne se décrétera pas par circulaire, préviennent les experts de l’Unesco, mais par l’accumulation de micro-victoires dans les quartiers. Les autorités congolaises entendent s’appuyer sur l’expérience d’Aubeville, premier centre de réinsertion ouvert dans la Bouenza, pour affiner la matrice d’évaluation. L’enjeu dépasse le strict cadre national : offrir un prototype exportable vers d’autres États d’Afrique centrale confrontés aux mêmes défis démographiques. À l’heure où les partenaires internationaux scrutent les indicateurs de sécurité, Brazzaville veut démontrer qu’investir dans la jeunesse reste le meilleur rempart contre les extrémismes et la désagrégation du tissu social. Cet atelier, certes modeste dans son format, confirme la ligne gouvernementale : prévenir plutôt que réprimer, former plutôt qu’exclure, dialoguer plutôt que condamner.