Un second round attendu sur les rives du fleuve Congo
Sous le ciel humide de Brazzaville, le compte à rebours a commencé. Moins de dix-huit mois nous séparent désormais du second Forum africain de l’Économie sociale et solidaire (Fora’ess), programmé du 20 au 24 janvier 2026. La ministre de la Promotion de la femme et de l’Économie informelle, Inès Nefer Ingani, a lancé les travaux préparatoires en présence du président du forum, Malick Diop, et de représentants d’une vingtaine de pays. À travers cette réunion technique, le gouvernement congolais confirme sa volonté de transformer un rendez-vous spécialisé en véritable plate-forme diplomatique, capable de faire valoir l’expertise nationale sur l’économie informelle et de promouvoir des modèles alternatifs de croissance conformes à l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
L’économie sociale et solidaire, pilier discret de la résilience congolaise
Au Congo, l’économie informelle représente encore plus de 60 % de l’activité urbaine, selon les estimations de la Banque africaine de développement. Pour Brazzaville, embrasser l’économie sociale et solidaire (ESS) n’est donc pas un effet de mode, mais une nécessité structurelle. Le ministère en charge du secteur voit dans l’ESS « un levier de transformation, de résilience et d’inclusion », en cohérence avec la résolution sur le travail décent adoptée lors de la 110ᵉ Conférence internationale du travail (OIT, 2022). Derrière les statistiques se dessinent des milliers de coopératives agricoles, de mutuelles d’épargne ou d’associations de commerçantes qui, chaque jour, amortissent les chocs économiques et consolident le tissu social. En institutionnalisant ce maillage, le gouvernement entend sécuriser les revenus, élargir l’assiette fiscale et renforcer la paix sociale.
Un marché panafricain pour stimuler l’inclusion financière
Moment phare annoncé par la ministre, le « Marché Fora’ess » sera adossé à la rencontre officielle. Pensé comme un hybridation entre salon professionnel et foire populaire, il rassemblera producteurs artisanaux, fintechs solidaires et institutions de micro-finance. L’objectif est double : offrir aux acteurs de l’économie informelle une visibilité continentale et attirer des investisseurs privés séduits par la rentabilité sociale. Le choix de Brazzaville, hub fluvial entre l’Afrique centrale et l’Afrique australe, n’est pas anodin. Outre la logistique, la capitale dispose d’une tradition marchande séculaire qui confère aux exposants un accès direct à plusieurs marchés sous-régionaux. Pour le ministère du Commerce, cette vitrine devrait accélérer l’inclusion financière des femmes et des jeunes, cible prioritaire du Plan national de développement 2022-2026.
Partenariats stratégiques : OIT et gouvernement congolais en synergie
La construction du programme s’appuie sur une coalition institutionnelle élargie. L’Organisation internationale du travail fournit l’expertise normative et veille à l’alignement des ateliers sur les standards internationaux. De son côté, l’exécutif congolais mobilise les ministères sectoriels – Finances, Agriculture, PME – afin d’assurer le portage politique et budgétaire indispensable à la mise en œuvre des recommandations qui seront adoptées. Selon un haut fonctionnaire du Trésor, la tenue du forum coûtera environ trois milliards de francs CFA, partagés entre l’État et les partenaires techniques. Cet engagement financier traduit une conviction : l’ESS n’est plus perçue comme un appendice social mais comme une composante à part entière de la politique économique nationale.
L’enjeu politique d’une diplomatie par l’exemple
Derrière la dimension technique, le Fora’ess recèle une portée géopolitique certaine. En accueillant la seconde édition après le Cameroun, Brazzaville s’inscrit dans une logique de leadership régional axé sur la coopération Sud-Sud. L’événement offrira une tribune aux ministres africains chargés de l’ESS, invités à une table ronde dédiée à la mutualisation des cadres réglementaires. Cet exercice de concertation renforce la réputation du Congo comme médiateur discret et pragmatique, capable de fédérer les énergies sans heurter les souverainetés. Selon un diplomate ouest-africain accrédité à Kinshasa, « le gouvernement congolais joue la carte de la soft power économique, montrant qu’il est possible de conjuguer stabilité politique et innovation sociale ».
Cap sur janvier 2026 : feuille de route et attentes
Les prochains mois seront consacrés à la finalisation logistique, à la mobilisation des bailleurs et à la sélection des projets qui bénéficieront d’un label Fora’ess. Côté contenus, six plénières thématiques sont pressenties : finances solidaires, gouvernance inclusive, transition numérique, chaînes de valeur rurales, emploi des jeunes et diplomatie climatique. Chaque atelier devra déboucher sur un plan d’action chiffré, que le comité d’organisation suivra jusqu’en 2028. En filigrane, le Congo espère faire émerger une nouvelle génération d’entreprises sociales capables de soutenir la diversification économique voulue par le Président Denis Sassou Nguesso. S’il est trop tôt pour mesurer l’impact réel, l’ambition est claire : transformer un forum de spécialistes en catalyseur de politiques publiques, et placer Brazzaville sur la carte mondiale des capitales de l’économie solidaire.